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Novembre 2022

Interdire le port de signes religieux ? Oui si…

Le 7 novembre 2022

En 2018, Madame X, candidate à un stage pour travailler dans une société de logements sociaux, est refusée par cette société.

Lors d’un entretien, elle a signalé qu’elle ne retirerait pas son foulard et donc qu’elle ne respecterait pas le règlement du travail. En effet, celui-ci exige une stricte neutralité. Cela signifie que toute manifestation de convictions religieuses, philosophiques ou politiques est interdite.

Cette dame s’adresse alors au Tribunal du travail de Bruxelles ; elle estime que sa candidature a été refusée, directement ou indirectement, à cause de ses convictions religieuses et donc, qu’il y a eu discrimination et non-respect de la loi.
La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et d’autres textes nationaux (à commencer par la Constitution belge) et internationaux défendent en effet l’égalité de tous les citoyens devant la loi et les protègent contre la discrimination. Concernant particulièrement Madame X, une directive européenne 2000/78/CE du 27 novembre 2000 défend l’égalité de traitement en matière d’emploi. Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle doit être interdite.
On parle de discrimination directe quand une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable. Une discrimination indirecte existe lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre pourrait entrainer un désavantage particulier pour certaines personnes.
Concernant particulièrement Madame X, la directive européenne précitée défend l’égalité de traitement en matière d’emploi.

Questions à la Cour de Justice

Le Tribunal du travail s’est adressé à la Cour de justice de l’Union européenne pour qu’elle interprète cette directive européenne sur l’égalité de traitement en matière d’emploi. Il s’agissait en effet de savoir, en fonction de ce que la Cour européenne dirait au sujet de cette directive, si cette dame a été traitée de manière moins favorable qu’une autre personne ayant elle aussi des convictions quelconques mais ne les affichant pas publiquement ou si elle a été traitée de manière moins favorable qu’un autre travailleur adhérant à une autre religion ou à la même mais qui l’affiche moins publiquement ou ne l’affiche pas du tout.

Dans son arrêt C 344/2 du 13 octobre 2022, la Cour a jugé qu’un employeur peut interdire le port de signes religieux, philosophiques ou politiques sur un lieu de travail à deux conditions :

  1. la politique de neutralité doit bien être inscrite dans le règlement de travail ;
  2. cette interdiction doit s’adresser à tout le monde, sans distinction de conviction.

Un exemple : aucun couvre-chef, casquette, kippa, chapeau ou foulard, n’est autorisé dans les bureaux.

Attention cependant…

Il n’y a donc pas eu de discrimination directe. La Cour de justice de l’Union européenne attire cependant l’attention sur une possibilité de discrimination indirecte : cette interdiction de port de signes pourrait devenir une différence de traitement fondée sur la religion ou les convictions si elle aboutissait dans la réalité à désavantager les personnes d’une religion particulière. Pour éviter toute discrimination indirecte, l’exigence de neutralité doit avoir un objectif légitime. Donc l’employeur doit pouvoir démontrer que cette interdiction a des raisons d’être et ne vise en réalité pas une religion en tant que telle.

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