L’actualité commentée

Février 2023

Les « fouilles à nu » des accusés peuvent-elles avoir lieu ?

Procès des attentats de Bruxelles et Zaventem

Le 3 février 2023

Depuis le début du procès des attentats terroristes de Bruxelles, il est beaucoup question des « fouilles à nu ». Avant leur transfert de la prison de Haren au Justitia (endroit où se déroule le procès), les accusés y sont soumis par la police. De quoi s’agit-il ?

Pour ces fouilles à nu, encore appelées « fouilles au corps », les accusés sont et restent nus devant les policiers. Ils doivent aussi faire des génuflexions. Les policiers vérifient ainsi que ces accusés n’ont pas caché d’objets dangereux ou qui pourraient leur permettre de s’évader, que ce soit sur eux, dans leur bouche, dans leurs cheveux ou dans leurs parties intimes.
Ces fouilles étaient prévues tous les matins, pour tous les accusés, avant leur départ pour le procès.

Une pratique humiliante

Selon leurs avocats, les accusés sont tous les jours conduits au Justitia dans des conditions humiliantes. Ils sont soumis à des traitements dégradants. C’est pourquoi ces avocats ont mis en cause le ministre de la justice (En termes juridiques, on dit qu’ils ont introduit une action contre l’État belge représenté par le ministre de la justice). Pour obtenir une décision immédiate, ils ont opté pour une procédure en référé, c’est-à-dire une manière de juger dans l’urgence, donc rapidement. Mais la décision a un caractère provisoire, c’est-à-dire qu’elle est valable jusqu’à une décision prise par le juge du fond, c’est-à-dire le juge normal. Le président du tribunal de première instance de Bruxelles est ici le « juge des référés » compétent.
Comme l’a indiqué le Médiateur fédéral dans un rapport sur les fouilles à nu, celle-ci est une pratique humiliante. Et les pratiques humiliantes sont interdites par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Toutefois, la Cour européenne des droits de l’homme estime qu’elle peut être légitime dans certaines circonstances où elle peut être justifiée.
L’État belge soutient que ces pratiques sont justifiées. Il rappelle qu’un article de loi autorise les fouilles à corps avant chaque mise en cellule. Il considère que ces fouilles sont légitimes pour garantir la sécurité des policiers et du public, vu la personnalité des accusés.

Oui, estime le juge

La position de l’État a été rejetée. Le juge des référés estime qu’un transfert depuis la prison vers le palais de justice n’est pas une mise en cellule.
Il ne condamne certes pas de manière générale le recours à des fouilles à nu mais il interdit à la police d’y procéder de la manière dont cela s’est déroulé. Selon lui, la gravité des faits reprochés aux accusés ne permet pas, en soi, de justifier ces traitements dégradants. En effet, la sécurité des policiers ne peut se faire sans tenir compte de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le juge constate les mesures de sécurité déjà existantes : les accusés sont emprisonnés dans une section de sécurité renforcée ; ils sont transférés portant des lunettes occultantes et des menottes attachées au ceinturon. Les cellules du palais sont vides et contiennent des caméras.
Les fouilles quotidiennes de tous les accusés ne se justifient pas par une circonstance particulière ou un degré de menace actualisé. Le fait que ce soient les policiers, seuls, qui décident de ces fouilles pose problème au juge. Celui-ci estime en effet qu’il n’existe pas de directive, de consigne claire et préalable pour encadrer cette pratique. Donc elle peut être arbitraire puisque décidée par les seuls policiers présents.

L’État est condamné

Le juge des référés a donc estimé que pour les accusés de ce procès, la fouille au corps avec génuflexion, quotidienne et systématique était bien un traitement dégradant qui doit cesser immédiatement. Il a donc condamné l’État belge.
Pour obliger celui-ci à appliquer cette condamnation, le juge a également condamné l’État à payer, après un délai de huit jours, une astreinte de 1 000 € chaque fois qu’un accusé sera fouillé à nu.
Quelques jours après cette décision, le Service Public Fédéral Justice a soutenu que la police avait adapté son comportement à l’ordonnance du juge des référés. Il a fait appel de l’ordonnance du juge des référés.
C’est donc à la Cour d’appel de Bruxelles de juger.
En attendant l’arrêt de la Cour d’appel, l’ordonnance doit être appliquée.

Commentaires

  1. Les « fouilles à nu » des accusés peuvent-elles avoir lieu ?

    4 février 2023

    magis

    Que dit la LFP (loi sur la fonction de police) ? Pourquoi omettre cette loi ?

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