Le 4 décembre dernier, après des troubles provoqués par des supporters du Standard,
l’arbitre a arrêté le match pendant dix minutes. Après d’autres troubles, causés cette fois par les supporters de Charleroi, l’arbitre a définitivement arrêté le match à vingt minutes de la fin. Le score était de 1-3.
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Que se passe-t-il après cet arrêt de la partie ? Y a-t-il des sanctions ? Lesquelles ? Qui en décide ? Nous avons interrogé Arnaud Bouvier, substitut au « parquet » de l’Union belge.
L’Union belge de foot et son « parquet », c’est quoi ?
Première précision : l’Union royale belge des sociétés de football-association (URBSFA) est aussi couramment appelée l’Union belge de foot.
C’est une fédération à laquelle sont affiliés tous les clubs de football de Belgique, quel que soit leur niveau. L’Union belge possède un règlement précis, un volumineux code, comprenant près de 2000 articles, auquel doivent adhérer tous les clubs de foot. Ce règlement régit toutes les relations et tous les problèmes qui peuvent se poser.
Un chapitre concerne l’aspect disciplinaire. En cas de faute, par exemple, l’arbitre transmet directement un rapport écrit à la Fédération belge de football. Plus précisément, il le transmet au parquet de la Fédération belge.
Un « parquet », c’est donc le procureur, comme dans un tribunal classique puisque l’Union belge possède sa propre juridiction, elle règle elle-même sa justice, de manière similaire à ce qui se passe dans la justice officielle. Elle possède donc ses propres juges et procureurs. Ce sont généralement des juristes qui peuvent, par ailleurs, être juges ou procureurs dans les tribunaux classiques.
De la carte rouge…
Arnaud Bouvier nous donne un exemple :
« Un dimanche, l’arbitre donne une carte rouge à un joueur professionnel. Il décrit la faute dans un rapport qu’il adresse au parquet. Dès le lendemain matin, le parquet de l’Union belge fait une proposition au joueur : X matchs de suspension ou telle amende, par exemple.
Si le joueur n’accepte pas, il doit comparaitre devant la Commission des litiges pour le football professionnel qui siège tous les mardis. Sont alors présents le joueur et, s’il le souhaite, son avocat, trois juges et le procureur. Celui-ci requiert, demande donc telle peine et la Commission décide. Si elle confirme la suspension du joueur, il est immédiatement suspendu : il ne joue donc pas le match du weekend suivant.
Si le joueur n’est toujours pas d’accord avec la décision de la commission des litiges, comme dans les tribunaux ordinaires, il peut introduire un recours en appel à la Commission d’appel des litiges pour le football professionnel. Cette commission siège le vendredi de la même semaine ! La décision de cette commission est immédiatement applicable. »
Des supporters mis en cause
Dans le match Charleroi-Standard, les joueurs n’ont fait aucune faute de nature disciplinaire. Ce sont les supporters qui ont jeté le trouble. Vont-ils être sanctionnés ?
« En Belgique, explique Arnaud Bouvier, les clubs sont responsables du comportement de leurs supporters et ce, même si l’on ne parvient pas à identifier les fauteurs de troubles. Ils sont censés avoir pris toutes les mesures nécessaires pour éviter ces troubles. Et par exemple, avoir fouillé les spectateurs, ce qui est une mission quasi impossible quand 20 000 personnes entrent dans un stade. Les supporters des clubs en présence sont toujours séparés, à des endroits bien précis. On parvient donc bien à savoir si le trouble vient de tel ou tel endroit. Sauf s’il y a eu négligence de la part du club organisateur, chacun des clubs en présence doit répondre de ses supporters. »
Mais comment identifie-t-on les supporters fauteurs de troubles ? Notre interlocuteur est très clair :
« L’Union belge ne va pas chercher à savoir qui a envoyé quel projectile ! C’est aux clubs à essayer d’identifier leurs supporters fautifs. Pour y arriver, ils peuvent utiliser toutes les images possibles, comme les caméras des différentes télévisions. Et ils peuvent les sanctionner par une interdiction de stade par exemple.
Par contre, s’il s’agissait d’un acte de violence de la compétence des juridictions ordinaires, d’une infraction de droit commun – un gardien de but gravement blessé par un fumigène par exemple – le fauteur de trouble pourrait alors être poursuivi au tribunal correctionnel, ce qui implique qu’il devrait être identifié. »
Les suites de Charleroi-Standard
Les deux clubs ont été convoqués devant la Commission des litiges du football professionnel. Étaient présents un responsable de chaque club avec son avocat, trois juges et un membre du parquet. Des sanctions sont prévues, par exemple une amende. La Commission pourrait imposer des matchs à huis clos, ce qui entraîne une privation de revenus pour le club et une obligation de jouer sans supporters.
LA question en suspens concerne l’attribution ou la suspension des points, alors que le score était de 1-3 pour le Standard à vingt minutes de la fin. Seront-ils ou non attribués ?
Selon le nouvel article du règlement fédéral (article 1917.3), « lorsque l’arbitre arrête définitivement le match après avoir appliqué la procédure en cas de violence verbale ou en cas d’incidents en dehors du terrain de jeu, […] les points ne sont pas attribués si les incidents sont provoqués par aussi bien les supporters de l’équipe visitée que par les supporters de l’équipe visiteuse ».
Si le texte semble très clair, deux thèses s’opposent malgré tout :
les deux clubs perdent les points, ce à quoi Charleroi, perdant, est favorable ;
les points sont attribués parce que priver le Standard, premier fauteur de troubles, de ses points équivaudrait à donner le pouvoir aux supporters d’un club perdant un match : ils pourraient le faire annuler en provoquant une deuxième fois des problèmes.
0 point attribué
C’est finalement la première thèse que la Commission des litiges a retenue le jeudi 15 décembre : elle a jugé que les points ne seront pas attribués. Les deux clubs doivent également payer 5000 euros d’amende. Charleroi est condamné à jouer un match à huis clos avec sursis, tandis que le Standard devra jouer deux matchs à huis clos. Pourquoi deux matchs ? Parce que ce club avait déjà été condamné, avec sursis, à un premier match à huis clos en mars 2016. Cette deuxième condamnation annule le sursis.
L’affaire est en appel
Suite à la décision de la Commission des litiges, le Standard a fait appel devant la Cour belge d’arbitrage pour le sport. C’est cette Cour d’arbitrage qu’il faut saisir en appel en cas d’arrêt définitif du match. S’il n’y avait pas eu d’arrêt définitif du match, c’est la Commission d’appel qui aurait été concernée.
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