L’actualité commentée

Mars 2024

Il faudrait 43 % de juges en plus !

Le 26 mars 2024

La surcharge de travail des magistrats n’est un secret pour personne mais elle vient de faire l’objet d’une étude du Collège des cours et tribunaux, présentée ci-dessous.

En Belgique, dans la plupart des secteurs professionnels, le temps de travail est de 38 heures par semaine. Mais ce n’est pas le cas des juges : en moyenne, selon une récente étude, ceux-ci presteraient 52,8 heures par semaine. Dans un tribunal de première instance ou une cour d’appel, la moyenne atteint même 54 heures par semaine.
Les juges prestent donc de nombreuses heures supplémentaires pour traiter tous les ans 250.000 dossiers dans les tribunaux de première instance, 263.000 dans les justices de paix, 165.000 devant les tribunaux de police
Mais malgré ce total important d’heures de travail, de nombreux dossiers ne sont pas traités. Ils s’accumulent et forment ce qu’on appelle l’arriéré judiciaire. Cela signifie que différentes personnes qui se sont adressées à la justice doivent longtemps, et parfois très longtemps, attendre une réponse. À plusieurs reprises, la Belgique a d’ailleurs été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme parce que des délais de traitement trop longs ne respectaient pas le droit à un procès équitable.
Autre conséquence de ces considérables heures de travail : les juges équilibrent difficilement vie privée et vie professionnelle.

Quatorze fois par jour

Une récente enquête décidée par le Collège des cours et tribunaux a permis la mesure de ce temps de travail. Et cette mesure a permis de calculer le nombre de juges nécessaires pour garantir à la fois le bon fonctionnement de la justice et l’équilibre vie privée - vie professionnelle des magistrats concernés.
70 % des juges belges ont volontairement participé à une enquête, lancée par le Collège des cours et tribunaux, concernant leur temps de travail. Ils provenaient des cours d’appel et du travail, des tribunaux de première instance, du travail, de l’entreprise et de police, ainsi que des justices de paix.
Quatorze fois par jour durant une semaine complète, ces magistrats ont été consultés via une application : ils devaient signaler ce qu’ils étaient en train de faire à ce moment précis. Il leur fallait préciser s’ils étaient occupés ou non et ensuite s’ils étaient occupés à des dossiers ou à un autre travail, indépendant des dossiers.
Traiter les dossiers, donc découvrir et étudier une situation donnée, vérifier les preuves, examiner les questions juridiques, en vue de rendre un jugement, est LA priorité pour n’importe quel juge. Celui-ci n’a pas le choix, ce travail est indispensable. Un dossier non traité fera partie de l’arriéré judiciaire.
À côté des dossiers, d’autres tâches, variables, peuvent ou non exister : les juges ont l’obligation de suivre des formations pour s’adapter aux nombreux changements de lois, ils s’engagent dans un nombre variable de commissions diverses où la présence de magistrats est obligatoire, ils participent à des réunions en ligne ou en présentiel, etc. Ils participent encore à la gestion de leur juridiction. Ces tâches sont parfois moins essentielles mais pas toujours (par exemple, se former pour comprendre une nouvelle loi, c’est indispensable !) : chaque juge doit faire un choix.

Loin des 38 heures par semaine

L’enquête met donc en évidence le besoin de 43,69 % de juges supplémentaires pour que toutes les affaires, tous les dossiers, puissent être traités dans les meilleurs délais. Il s’agirait de passer de 1.632 juges « équivalents temps plein » à 2.329.
Précision importante : l’étude montre seulement combien il faudrait de juges supplémentaires pour respecter les délais. Elle ne tient pas compte de l’arriéré judiciaire actuel.
Enfin, elle calcule comment des augmentations du budget de la justice (et donc du nombre de juges au travail) permettraient de diminuer le nombre d’heures de travail. Avec une augmentation de 20,4 % du budget, les juges devraient encore travailler 46 heures/semaine pour éviter l’augmentation des délais de traitement.
Une augmentation de 26,73 % impliquerait encore une moyenne de 44 heures par semaine. Enfin, un budget augmenté de 35 % impliquerait encore une moyenne de 41 heures par semaine et par juge.

Conclusion ?

Augmenter le nombre de juges de 43,69 % ne pourrait être atteint qu’à long terme, soulignent les conclusions de l’enquête ! Cela exigerait évidemment d’augmenter le budget octroyé par l’État à la Justice mais le souci de l’État est de limiter au maximum ce budget.
De leur côté, les citoyens doivent obtenir un jugement dans un délai raisonnable. Quant aux juges, ils doivent pouvoir traiter leurs dossiers dans un délai correct tout en ayant un rythme de travail vivable.
Comment concilier ces trois points de vue ? Comment trouver un équilibre pour que la justice fonctionne plus efficacement, pour le bien de tous ?
Autre conclusion : « Le risque est grand de créer un cercle vicieux : cette charge de travail est insoutenable et les magistrats resteront de moins en moins disposés à continuer à effectuer le même nombre d’heures supplémentaires en moyenne, de sorte que les citoyens verront de toute façon augmenter les délais moyens de traitement. Ceci va augmenter de nouveau la charge de travail des magistrats… » et donner de moins en moins envie à des juristes de devenir juges !

Conclusion des conclusions : la balle est dans le camp du Gouvernement fédéral puisque c’est lui qui invite le Parlement à financer la justice et à en déterminer le budget.

Commentaires

  1. Il faudrait 43 % de juges en plus !

    31 mars 2024

    Delhalle Jacques

    Il serai peut-être plus judicieux d’être moins laxiste pour éviter les récidives ce qui à mon humble avis satisferai dans les rangs de la police le ras le bol d’arrêter continuellement des prévenus relaxés la veille !