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Juin 2022

Selon la Cour suprême, la Constitution des États-Unis permet à nouveau aux États d’interdire l’avortement

Le 27 juin 2022

Par un arrêt du 24 mai 2022, la Cour suprême des États-Unis a considéré, pour l’essentiel, qu’il est à nouveau possible, pour les États faisant partie de la fédération nord-américaine, d’interdire l’avortement, alors que, voici près de cinquante ans, un précédent arrêt de la même Cour avait consacré le droit à l’avortement, ce qui avait pour effet d’empêcher les États de l’interdire.

Il s’agissait, en d’autres termes, d’un droit constitutionnel. Ce n’est plus le cas depuis ce 24 juin 2022.

En 1973 : la Cour suprême dit oui au droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG)

Avant 1973, chaque État des États-Unis décidait de légaliser ou d’interdire l’avortement. Quatre États (New York, l’Alaska, Hawaï et Washington) seulement le permettaient.
En 1973, une femme s’adresse à la Cour suprême pour contester une loi du Texas qui interdit l’interruption de grossesse. Son argument : c’est aux femmes et non à un État de prendre cette décision.
La Cour suprême lui donne raison : par son fameux arrêt Roe v. Wade du 22 janvier 1973, sept juges (sur neuf) qui en font partie reconnaissent qu’une femme a le droit d’interrompre sa grossesse. La Cour interdit aux États d’interdire l’avortement avant la fin du premier trimestre de grossesse. Les juges se réfèrent au 14ème amendement de la Constitution américaine : « Aucun État ne fera ou n’appliquera de lois qui restreindraient les privilèges ou les immunités des citoyens des États-Unis ; ne privera une personne de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale particulière ».

Le combat permanent des « pro-life »

Si une grande partie de la société américaine marque son accord, c’est loin d’être le cas de tous les Américains. Un mouvement pro-life se développe. Pour ceux que l’on appellera les « pro-vie », la décision d’avorter ne peut appartenir aux femmes, elles ne peuvent décider de mener à bien ou d’interrompre leur grossesse. Les manifestations et les actions sont nombreuses devant les cliniques permettant l’avortement, qui selon eux ne devraient pas exister.
Les tensions entre adversaires et partisans de l’avortement, nées avec l’arrêt de 1973 ne disparaitront jamais.

Au niveau politique

Depuis 1973, sans relâche, les militants anti-avortement veulent obtenir des lois limitant ou interdisant la possibilité d’un avortement. Puisque la Cour suprême l’a autorisé, il faudrait donc que ce soit elle qui modifie l’arrêt de 1973, voire l’annule.
La Cour suprême américaine n’est pas constituée comme les Cours constitutionnelles d’autres États : le président des États-Unis a, seul, l’énorme pouvoir de nommer les neuf juges et ceux-ci sont nommés à vie. Pour que celle-ci prenne une décision différente au sujet du droit à l’avortement, il fallait donc que ces juges changent d’opinion ou… que d’autres juges, défavorables à ce qui dit cet arrêt Roe c. Wade, prennent leur place après leur départ.

Que dit l’arrêt de ce 24 juin 2022 ?

C’est ce qui s’est passé avec le récent arrêt Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization (19-1392), daté du 24 juin 2022, de la Cour suprême : a majorité des juges actuellement en fonction au sein de la plus haute juridiction américaine a maintenant un profit conservateur. Ces magistrats sont défavorables au droit des femmes à recourir à l’avortement.
Ils sont six sur neuf à avoir ce profil.
Ils ont jugé, par cet arrêt, ci-joint (dans sa langue de rédaction, l’anglais), que le droit à l’avortement n’est plus protégé par la Constitution. Les États peuvent donc l’interdire désormais mais les États qui souhaitent le maintenir le peuvent aussi.

Selon ses opinions…

En fonction de ses idées, de ses opinions, chaque président, avec l’accord du Sénat, nomme des juges, qui le plus souvent adopteront des positions analogues aux opinions du président qui les a nommés. Ainsi, certains défendent la leçon libérale de l’arrêt Roe c. Wade et d’autres la combattent. L’équilibre au sein de la Cour, à la suite notamment de nominations de nouveaux juges faites par le président D. Trump, a aujourd’hui basculé du côté de la faculté offerte aux États qui le souhaitent d’à nouveau interdire l’avortement.

Pour aller plus loin

Questions-Justice a déjà consacré en 2020 un article à la question de l’avortement : « L’avortement, un droit loin d’être universel ». Nous y reviendrons prochainement en commentant de manière plus précise le dernier arrêt, daté du 24 juin 2022.
D’autres articles, sur la Cour suprême des États-Unis, sont à consulter sur Justice-en-ligne, dans le dossier thématique « Regards sur la Justice américaine ». Ce dossier, lui aussi, sera étoffé prochainement, notamment par un article revenant sur cet arrêt Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization du 24 juin 2022.

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