L’actualité commentée

Février 2018

La Cour d’assises est ressuscitée

Le 23 février 2018

Jusqu’au 5 février 2016, la grande majorité des crimes étaient jugés en Cour d’assises. Depuis longtemps pourtant, celle-ci était mise en cause et certains demandaient sa suppression.

Mots-clés associés à cet article : Cour d’assises , Correctionnalisation , Jury , Crime , Circonstances atténuantes

Trop vieille, trop lourde

Les partisans de sa suppression la jugeaient trop vieille, trop lourde, trop chère aussi. En effet, en Cour d'assises, un jury de douze personnes - les jurés - est présent, souvent pendant plusieurs semaines. Les débats, oraux, prennent du temps. Ces longueurs provoquent un engorgement des cours d’assises et celui-ci entraine des conséquences négatives. Par exemple, des détenus restent (trop) longtemps en détention préventive et peuvent même parfois être libérés avant la tenue du procès parce que celui-ci n’a pas pu être fixé dans un délai raisonnable.
D’autres arguments plaidaient aussi pour la suppression de cette cour : les dossiers, les techniques d’enquête et la législation sont de plus en plus complexes et la surcharge de travail des magistrats est bien réelle. Les cours d’appel et tribunaux correctionnels sont régulièrement désorganisés puisque certains de leurs magistrats sont affectés à la cour d’assises. Le risque de menace et de pression sur les jurés était aussi invoqué par les partisans de la suppression.

Le jury populaire dans la Constitution !

Supprimer purement et simplement la Cour d’assises n’était pas possible parce qu’il aurait fallu modifier la Constitution. Or, la Constitution ne pouvait pas être modifiée pendant cette législature mais seulement après de prochaines élections fédérales.
En effet, le jury populaire est inscrit dans l’article 150 de la Constitution.
Dès lors, le législateur (en fait, la proposition du ministre de la Justice, votée par le parlement) a trouvé un moyen de contourner cette difficulté. Il a modifié la loi sur les circonstances atténuantes. Expliquons-nous : quand des circonstances atténuantes peuvent être mises en évidence lors de certains crimes, il est possible que ceux-ci soient jugés au tribunal correctionnel plutôt qu’en cour d’assises. Il se peut alors que la peine soit moins lourde.
La nouvelle loi prévoyait que des circonstances atténuantes pouvaient être reconnues pour tous les crimes alors qu’auparavant, les crimes les plus graves n’étaient pas " correctionnalisables ". Dès lors, désormais, tous pouvaient être correctionnalisés.
Le législateur avait aussi modifié les peines applicables par un tribunal correctionnel : alors qu’elles étaient auparavant de maximum vingt ans, il pouvait maintenant infliger des peines de vingt-huit, trente-huit voire quarante ans d’emprisonnement.
La Cour d’assises ne disparaissait pas mais la toute grande majorité des crimes n’y étaient plus jugés puisqu’ils étaient correctionnalisés. Un peu comme si cet article 150 de la Constitution n’existait plus.
La Chambre du conseil décidait toujours de juger un crime au tribunal correctionnel ou de le renvoyer en cour d’assises, comme auparavant. La correctionnalisation ne devenait pas obligatoire mais elle était possible dans tous les cas, même pour les crimes les plus graves, ce qui n’était pas possible auparavant. Les critères pour décider de cette correctionnalisation étaient vagues puisqu’il s’agissait des " circonstances atténuantes ", ce qui veut tout dire et rien dire.

Mais…

… dès le départ, le Conseil d’État avait déjà attiré l’attention du gouvernement sur le risque d’annulation de la loi pour non-respect de la Constitution.

Devant la Cour constitutionnelle

Différentes associations ont introduit un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle. Celle-ci a rendu son arrêt le 21 décembre 2017. Par celui-ci, la Cour constitutionnelle annule la loi du 5 février 2016 qui permettait de correctionnaliser la totalité des crimes.
Pourquoi ?

  1. L’article 13 de la Constitution garantit que chaque justiciable soit jugé selon les mêmes règles. Ce justiciable doit donc savoir, dès le départ, quel est le juge compétent pour les faits qu’il a commis. Puisqu’il n’y a pas de critères définis pour décider de la compétence du tribunal correctionnel ou de la Cour d’assises, ce n’est pas le cas.
  2. L’article 150 de la Constitution prévoit clairement que les crimes les plus graves doivent être jugés par un jury populaire.
  3. La législation contestée prévoit que tous les crimes, même les plus graves peuvent être jugés par un autre juge que celui qu’exige la Constitution. Il n’existe pas de critères clairs, définis, autorisant une décision de correctionnaliser un crime plutôt que de la juger en cour d’assises (alors que c’était précédemment le cas : un crime passible de plus de vingt ans d’emprisonnement ne pouvait pas être correctionnalisé, par exemple).
  4. La notion de circonstances atténuantes ne sert plus à individualiser, et souvent diminuer, la peine mais bien à désigner le juge compétent au lieu du juge désigné par la constitution.
  5. L’absence de critères matériels objectifs risque de créer d’importantes différences de traitements entre les justiciables. Ces différences de traitement sont inacceptables et d’ailleurs interdites par la Constitution.

Et maintenant ?

Les procès correctionnalisés ayant eu lieu avant l’arrêt de la Cour constitutionnelle ne seront pas rejugés. Par contre, si la situation est claire pour les crimes commis après cette annulation puisqu’ils seront jugés par la cour d’assise (sauf circonstances atténuantes précises), qu’en sera-t-il pour les justiciables dont les crimes ont déjà été correctionnalisés mais non encore jugés ?
La question n’est pas encore tranchée.
Enfin, les détracteurs de la Cour d’assises peuvent continuer à la contester. Et le législateur peut prendre une nouvelle loi qui tiendrait compte des remarques de la Cour constitutionnelle. Une révision de l’article 150 de la Constitution est aussi possible lors d’une prochaine législature, c’est-à-dire après les prochaines élections.

Le débat pour ou contre le maintien de la Cour d’assises et de son jury populaire a encore de beaux jours devant lui !

Commentaires

  1. quel numéro de guignol

    20 mai 2018

    wolfs

    lorsqu’ une loi est crapuleusement contraire à la constitution, cette loi devrait être bloquée par les magistrats du conseil d’état ? section législative, mais plus une loi est crapuleuse et plus les magistrats terroristes en droit constitutionnel laisse passer et se prosternent devant les députés , et comme cela des années plus tard cela donne du travail à la cour constitutionnelle pour annuler une loi scélérate.
    RAZ le bol de cette dictature d’une particratie belge particulièrement mafieuse