Facebook, YouTube, Instagram et les plateformes en ligne permettent à tous de s’exprimer, de s’informer en permanence, à moindre cout et presque dans le monde entier. Mais ces plateformes peuvent être dangereuses pour les droits humains. Leurs responsables, par exemple Google, doivent donc intervenir et agir pour réduire ou supprimer des contenus illégaux. C’est en tout cas la conception qu’a l’Europe de la liberté d’expression.
Les injonctions faites en ce sens par les États auprès de ces plateformes n’est toutefois pas sans limites : illustration par l’affaire Google c. Russie jugée par la Cour européenne des droits de l’homme, qui concerne de très grosses amendes infligées plusieurs fois à Google par les autorités russes en raison du refus de cette dernière de respecter les exigences, les injonctions de la Russie sur ce qu’elle diffusait.
Mots-clés associés à cet article : Liberté d’expression , Réseaux sociaux , Internet , Ukraine , Russie , Google

Retirer ou restaurer
La Russie voulait que Google supprime certains contenus. Ceux-ci reprenaient des critiques des actions du gouvernement russe concernant par exemple la gestion du Covid ou la guerre en Ukraine.
Autre exigence du gouvernement russe : que Google restaure les chaines YouTube de partisans, animées par des pro-russes, qui avaient été supprimées.
Google a alors adressé un recours à la Cour européenne des droits de l’homme. L’entreprise américaine estimait qu’en forçant la plateforme à supprimer des contenus postés par des opposants et à restaurer des contenus pro-russes, la Russie n’a pas respecté l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit la liberté d’expression.
Précédemment, la Cour avait déjà considéré que les plateformes (fournisseurs de services intermédiaires) bénéficient de la liberté d’expression.
Que dit la Cour ?
Dans son arrêt Google LLC c. Russie du 8 juillet 2025], la Cour relève l’incohérence des autorités russes : elles défendent en effet le droit du public à s’informer quand il s’agit de restaurer des contenus pro-russes et, en même temps, elles censurent des contenus dissidents utiles au débat public.
Elle précise que la liberté d’expression n’est en effet pas absolue mais pour pouvoir la limiter, il faut que les demandes de restauration ou de retrait des contenus :
- soient prévues par la loi ;
- poursuivent un but légitime ;
- soient nécessaires dans une société démocratique.
Concernant la légalité, le flou de la loi russe permet en fait de détourner ou de censurer des contenus qui dérangent ses gouvernants.
Concernant la nécessité, la Cour estime que les contenus que la Russie veut supprimer, sont des expressions politiques. Donc, ils contribuent au débat public notamment parce qu’ils critiquent l’action du gouvernement. La condition de nécessité n’est donc pas remplie pour restreindre la liberté d’expression de Google.
Elle souligne encore que l’importance énorme des amendes imposées pourrait dissuader les plateformes d’héberger des contenus opposés à un gouvernement, voire jouerait un rôle de censeur à la place de la Russie.
Autre constat de la Cour : la liberté d’expression, ce peut être aussi le droit de ne pas être obligé de s’exprimer. Donc en obligeant Google à restaurer certains contenus, la Russie s’ingère dans la liberté de Google de déterminer les contenus qu’il veut héberger. Pour la Cour, ces ingérences ne sont pas nécessaires dans une société démocratique ; autrement dit, elles sont disproportionnées.
Un pouvoir colossal et donc…
L’arrêt de la Cour du 8 juillet 2025, en donnant raison à Google contre la Russie, met donc en évidence le rôle et le gigantesque pouvoir des plateformes sur le débat public. Ce qui entraîne nécessairement leur responsabilité.
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