L’ancien député européen Pier Antonio Panzeri arrêté par la justice belge, est accusé de participation à une organisation criminelle, de blanchiment d’argent et de corruption. L’organisation dont il serait le chef aurait travaillé pour le compte du Qatar et du Maroc.
Le 17 janvier 2023, il s’est engagé à collaborer avec la justice : il est devenu un « repenti ». Qu’est-ce que cela signifie ?
Mots-clés associés à cet article : Procès équitable , Repenti , Repentir (se) , Organisation criminelle , Dénonciation , Qatargate , Corruption , Parlement européen
Se repentir, en français, signifie regretter les fautes ou les erreurs que l’on a commises.
La justice, elle, ne demande ni regret ni repentir pour reconnaître ce statut de « repenti » à un accusé. Donc une première question se pose : quel est l’objectif poursuivi par l’accusé : se repent-il vraiment ou bien cherche-t-il surtout à obtenir un avantage personnel ?
Une collaboration avec la justice
En Belgique, une loi du 22 juillet 2018 a introduit notamment les articles 216/1 à 216/8 dans le Code d’instruction criminelle. Depuis cette date une personne accusée et poursuivie ou condamnée par la justice peut décider de collaborer avec celle-ci. Pour ce faire, elle dénoncera d’autres délinquants. En contrepartie, elle sera condamnée, par exemple, à une peine plus courte.
Pour que la justice puisse recourir à des repentis, deux conditions doivent être respectées :
- qu’il n’y ait pas d’autres moyens de connaitre la vérité ;
- qu’il soit question d’une infraction grave.
Être reconnu « repenti » ?
Tout d’abord, le repenti et le parquet signent ensemble un document dans lequel chacun précise ses engagements. Ainsi, généralement, le futur repenti fera des déclarations importantes, sincères et complètes des faits auxquels il est lié. De son côté, le parquet précisera quelles seront les peines encourues.
Ainsi, Pier Antonio Panzeri devrait s’être engagé à dire tout ce qu’il sait aux enquêteurs : ce qu’il a commis et ce dont il a eu connaissance. Il devra fournir des noms et des preuves de ce qu’il avance. S’il respecte cela, il sera condamné à une peine moins lourde que celle qu’il risquait de subir si la Justice lui avait appliqué la procédure normale.
Quand l’avantage obtenu par l’accusé est une réduction de peine, la promesse du parquet doit être validée par une juridiction d’instruction (ou de jugement si l’accord intervient plus tard dans la procédure et pas au moment de l’instruction). Il s’agit alors de vérifier un certain nombre de points et d’examiner si l’avantage obtenu par l’accusé est bien proportionnel à l’importance de ses révélations. Pour Pier Antonio Panzeri, puisque l’accord est conclu lors de l’instruction, ce sera la chambre du conseil qui indiquera quelle peine sera prononcée dans ce cas.
Ensuite, quand la promesse est homologuée, le juge du fond devra fixer une peine qui sera appliquée si le repenti ne respecte pas ses engagements.
Précision importante enfin : les déclarations du repenti à propos d’autres personnes ne suffisent pas pour que celles-ci soient condamnées à leur tour. D’autres preuves sont indispensables.
Le repenti ou… la balance ?
La loi instaurant le statut de repenti pose un certain nombre de questions importantes.
- Ainsi, le repenti est moins sévèrement puni qu’il ne l’aurait été normalement. Est-ce juste, légitime, de réduire la peine de quelqu’un, d’autant que, dans d’autres circonstances, ce quelqu’un s’appellerait un délateur ou une « balance » ?
- Autre interrogation : pour être reconnu « repenti », il faut posséder suffisamment d’informations que pour pouvoir négocier avec la justice. Donc il faut être un « gros poisson ». Et les plus petits, les moins informés, les moins responsables seront davantage punis. Est-ce juste ?
- Il faut aussi examiner la valeur des informations fournies par un repenti : sont-elles des preuves valables, fiables ? Ne peuvent-elles induire la justice en erreur ? Le repenti ne va-t-il pas minimiser son rôle ? Ou encore chercher à régler des comptes ?
- Enfin, un repenti qui risque des représailles puisqu’il a donné ses comparses, aura droit à une protection couteuse.
- Dernière question : le parquet est le seul à pouvoir susciter des témoignages permettant une « récompense ». La défense, elle, ne pourra pas chercher à susciter des témoignages qui iraient dans un sens différent.
On le voit, le statut de « repenti » pose de nombreuses questions, que l’on pourrait résumer par une seule : la justice est-elle « juste », « équitable » quand elle accepte de travailler avec un « repenti » ?
Pour beaucoup d’avocats et de magistrats, en tous cas, la justice ne devrait recourir à un repenti que très exceptionnellement, lorsqu’il est impossible d’obtenir d’autres preuves.
Qu’est-ce qu’un « repenti » ?
21 janvier 2023
Amandine
L’Art. 216/8.Le ministre compétent pour la justice fait rapport annuellement à la Chambre des représentants sur l’application des articles 216/1 à 216/7.
Il informe la Chambre des représentants du nombre d’instructions ayant donné lieu à des mesures visées par ces articles, du nombre de personnes concernées et des résultats obtenus.".
Est-il possible d’avoir accès à ces rapports, afin de vérifier comment et à quelles sortes de délits sont appliquées ces dispositions ?
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