Les rouages de la justice

La vie dans la prison

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Vivre en prison : comment cela se passe à Namur ?

Le 16 février 2017

Vivre en prison, c’est toujours être privé de la liberté d’aller et venir.

Mots-clés associés à cet article : Bracelet électronique , Peine , Prison , Détenu , Détention préventive , Condamné , Prévenu

Cependant, selon la prison où vit le détenu, les conditions de vie peuvent être quelque peu différentes. Ainsi, par exemple, si les nouvelles prisons sont équipées de douches et de toilettes correctes, ce n’est pas nécessairement le cas des plus anciennes. Impossible donc de généraliser les conditions de détention dans le détail.

Nous avons choisi de vous présenter la prison de Namur.

Une prison ancienne, bâtie en 1876. Prévue pour 140 personnes, elle abrite actuellement 201 hommes. En réalité, il y a deux types de prisonniers. 50 % sont des prévenus : arrêtés et détenus préventivement, ils attendent leur jugement. L’autre moitié des détenus sont des condamnés : jugés, ils effectuent la peine de plus de trois années à laquelle ils ont été condamnés.

En effet, les condamnés à moins de trois ans entrent en prison pour être incarcérés mais la quittent aussitôt, munis, s’ils ont un domicile en Belgique, de la date à laquelle le centre de surveillance électronique passera chez eux leur poser le bracelet électronique. Sans nouveau délit, ils bénéficieront d’une libération provisoire après un tiers de leur peine et d’une libération effective après les trois ans écoulés.

Prévenus, en attente d’une libération

Les prévenus espèrent quitter la prison le plus vite possible et peuvent effectivement être libérés du jour au lendemain.

Ce sera le cas si, par exemple, si la chambre du conseil décide la fin de la détention préventive. Plus ou moins souvent selon les infractions et les situations, les prévenus sont interrogés par des policiers et soumis à des expertises. Plus ou moins régulièrement, ils rencontrent un avocat. Tous les mois puis tous les deux mois, ils comparaissent devant la chambre du conseil. Ils peuvent donc être souvent appelés pour telle ou telle démarche, ce qui rend compliqué(e) et souvent impossible tout travail ou toute formation.

Dans toutes les prisons du pays, les prévenus vivent la détention la plus difficile. C’est en effet eux qui sont le plus affectés par la surpopulation. À Namur, ils vivent à trois par cellule (prévue pour une personne).

Condamnés, « chez eux » en prison

Les détenus condamnés, une fois qu’ils connaissent leur peine et donc savent qu’ils vont en passer au moins un tiers en prison, s’y investissent différemment des prévenus. À Namur, ils sont deux par cellule (prévue pour un) et, au fil du temps, finissent par occuper une cellule seul qu’ils améliorent et personnalisent s’ils le souhaitent. Ils peuvent demander du travail ou une formation mais il n’y a ni assez de travail ni assez de formations pour ceux qui en souhaitent. Dans les faits, les prisonniers sont souvent désœuvrés. Ils peuvent construire, avec le service psychosocial, leur plan de reclassement. Ils voient le directeur au sujet des autorisations de sortie, ils attendent des comparutions devant le tribunal de l’application des peines

Formation et travail

Des formations sont proposées, principalement aux condamnés puisque toute formation requiert une implication régulière et, s’il s’agit de formation spécifique, de longue durée, ce qui est peu adapté à la situation en principe provisoire des prévenus, comme on vient de le voir.

À Namur existent des cours de français langue étrangère, d’alphabétisation, d’informatique, etc… organisés par l’Atelier d’éducation pour personnes incarcérées (en bref ADEPPI) ou d’autres organismes de formation. Pour le moment se tient une formation qualifiante en cuisine, permettant l’accès à la profession. Une vingtaine de personnes suivent des cours de manière régulière.

Une soixantaine d’hommes condamnés travaillent à leur demande. Deux sortes de travail coexistent : un travail « industriel », en atelier, fonctionne avec une vingtaine de personnes, pour le compte de clients extérieurs. Il s’agit d’emballage, d’encartage, d’assemblage de pièces. Ce travail répétitif exige une cadence qu’il faut pouvoir soutenir et donc un certain rendement. Il est payé à la pièce. Un détenu peut gagner quelques centaines d’euros, le plus souvent 200 à 300 euros par mois.

Tout autre est le travail domestique : en prison, l’intendance est entièrement assurée par les détenus ! Cuisine, buanderie, cantine, nettoyage, etc., sont pris en charge par les prisonniers, doués ou moins doués, professionnels ou manœuvres. D’autres détenus prennent en charge un travail technique lorsqu’ils en ont les compétences (peinture, travaux de bâtiments, électricité, etc.) ou encore la coiffure et le raccommodage.

Ce travail, payé environ un euro de l’heure, permet un revenu plus ou moins fixe de 70 à 200 euros par mois, selon le nombre d’heures prestées et la qualification des tâches effectuées.

Les demandes de travail sont plus nombreuses que les offres et des listes d’attente sont dressées. En fait, l’enveloppe budgétaire allouée par l’administration pénitentiaire étant limitée, augmenter les postes de travail diminuerait encore une « gratification » déjà minimale… « Gratification » est le mot employé par l’administration pour désigner ce petit paiement.

Pour les prisonniers bénéficiant d’un travail, la journée est davantage structurée que pour les inactifs.

La cantine : tabac, chocolat et compagnie

Les gratifications permettent des achats à la cantine : tabac, chocolat... Les détenus peuvent aussi y commander ce qu’ils souhaitent acheter, comme des vêtements ou des électroménagers (un frigo par exemple). Exceptions évidemment : l’alcool, les stupéfiants, les armes.

Les gratifications et l’argent éventuellement reçu de la famille, sont versés sur un compte géré par la prison. Les détenus ne disposent pas d’argent liquide mais peuvent consulter le solde de leur compte. Certains doivent aussi rembourser les parties civiles (les victimes de leurs actes) mais… ce ne peut être que via de très petites sommes. Parfois, l’un ou l’autre verse de l’argent à sa famille.

Trois ailes…

Bâtiment classique de l’époque de sa construction, la prison de Namur est en étoile. Elle dispose de trois ailes.

À l’aile A vivent les condamnés dont le comportement ne pose aucun problème. Ils disposent d’une cellule et, pour la plupart, travaillent régulièrement jusqu’à 15 heures 30’. Ils rentrent alors en cellule mais celles-ci sont ouvertes et des activités permises jusqu’à 20 heures. Ils peuvent circuler d’une cellule à l’autre, discuter, jouer au kicker, faire du body building (deux salles) ou encore prendre leur douche.

Dans l’aile C, vivent des condamnés et certains prévenus. Ils sont presque toujours deux par cellule. Les activités sont plus limitées, les cellules sont ouvertes de 18 à 19 heures 45’ : temps de préau, douche, body-building, kicker, discussion, etc.

L’aile B est celle des prévenus, trois par cellule pour la majorité. Ils en sortent pour douches et préau, en sus des rendez-vous pour les démarches obligatoires auxquelles ils doivent répondre. Comme dit plus haut, leur situation est la plus inconfortable vu les conditions de vie pénibles et l’inactivité obligée.

… et une annexe psychiatrique

Namur possède une annexe psychiatrique de vingt-quatre places, occupées par les vingt-quatre internés les plus malades. L’annexe est ouverte et les malades sont donc en situation de vie sociale (une exception pour une prison belge). Ces internés sont aidés par une équipe de soins, formée de quatre personnes (psychologue, assistante sociale, ergothérapeute et éducateur).

Nettement plus nombreux que les vingt-quatre places disponibles, les autres internés sont disséminés dans toute la prison. Un unique psychiatre y est attaché. Ces malades ne bénéficient donc pas du tout des soins qu’ils devraient recevoir. La Belgique a d’ailleurs, plusieurs fois, été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour le non-traitement des malades psychiatriques.
Deux centres de psychiatrie légale doivent bientôt être construits dans la partie francophone du pays mais ils seront, d’emblée, insuffisants pour répondre aux besoins.

Des droits incompressibles

Tous les droits des citoyens belges qui ne sont pas incompatibles avec la privation de liberté proprement dite doivent être respectés à l’intérieur de la prison : droit à la dignité, droits civils (se marier par exemple), droits politiques (comme le droit de vote), droit aux soins de santé, droit aux contacts avec un avocat et le monde extérieur, droit à la pratique de sa religion ou sa philosophie, etc.

Aux yeux des détenus, un des droits le plus important est certainement le droit de visite. Pour la majorité des prisonniers en effet, le plus dur à vivre, c’est la séparation familiale.

Chez les prévenus, ce droit de visite peut s’exercer tous les jours de la semaine plus une fois le weekend pour les parents jusqu’au deuxième degré (c’est-à-dire les parents, les grands-parents, les frères et sœurs par exemple), et ce, quel que soit le casier judiciaire des visiteurs.

Au-delà du deuxième degré, un visiteur doit introduire une demande à l’administration pénitentiaire et fournir un casier judiciaire. Selon l’infraction qui y figure, l’autorisation est ou non accordée.
Chez les condamnés, le droit de visite est de quatre fois par semaine, dont une le weekend, aux mêmes conditions que pour les prévenus.

En conclusion, redisons-le : la prison prive le détenu du droit d’aller et venir librement mais tous les autres droits du citoyen belge doivent être respectés. Militant pour le droit à la dignité des détenus, l’Observatoire international des prisons dénonce, cependant, depuis des années, les conditions de détention dans les prisons belges.

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