L’actualité commentée

Mai 2017

Un tribunal citoyen condamne l’entreprise Monsanto

Le 23 mai 2017

L’entreprise multinationale américaine Monsanto est spécialisée en agrochimie. Elle produit et vend, à travers le monde, divers produits phytosanitaires, c’est-à-dire destinés à soigner les végétaux. Elle est présente sur le marché des pesticides, des herbicides, des insecticides, des engrais, des semences (dont des semences d’organismes génétiquement modifiés, OGM), etc. Le produit le plus vendu par Monsanto est le « Roundup », un herbicide très controversé contenant du « glyphosate ».

Mots-clés associés à cet article : Crime contre l’humanité , Écocide , Monsanto , Tribunal citoyen

Ces derniers mois, il en a beaucoup été question tant au Parlement européen qu’en Belgique.

Une multinationale et des scandales

Depuis plusieurs dizaines d’années, Monsanto est mêlé à des scandales sanitaires. L’entreprise est accusée de provoquer de nombreux dégâts à l’environnement, de menacer le mode de vie, l’autonomie et les ressources des paysans du monde.
Elle a été condamnée à plusieurs reprises par exemple en Alabama, en 2001, pour une contamination du territoire et du sang des habitants à un produit chimique appelé PCB.

En 1987, elle avait déjà été condamnée en tant que producteur de l’« agent orange », un herbicide utilisé par les Américains pendant la guerre du Vietnam et responsable de nombreux cancers et malformations de naissance.

En 2012 encore, Monsanto sera condamnée pour l’intoxication d’un agriculteur de Charente par un herbicide.
Monsanto est aussi mis en cause par des communautés paysannes d’Amérique du sud qu’elle empêche d’utiliser leurs propres semences.

Quoiqu’elle ait été condamnée à plusieurs reprises, la multinationale continue à se développer.

Un tribunal citoyen

Un « tribunal Monsanto » a été créé pour juger Monsanto pour violations des droits humains, crimes contre l’humanité et écocide (autrement dit crime nuisant gravement à l’environnement). Ce n’est pas un tribunal comme les autres : il n’est pas organisé par un État mais il s’agit d’un tribunal citoyen, voulu et organisé par des défenseurs de l’environnement et des droits de l’homme. Il ne s’agit donc pas d’un procès mené devant un tribunal existant comme la Cour de justice de l’Union européenne ou le Tribunal pénal international. L’objectif est cependant de dénoncer, sous une forme juridique, des faits punissables selon le droit international.

Le « tribunal Monsanto » accuse l’entreprise Monsanto de crimes contre l’humanité et d’écocide. Il lui reproche notamment d’avoir vendu des produits toxiques ayant provoqué la mort de milliers de personnes, comme le glyphosate utilisé dans le roundup ou l’agent orange, l’herbicide pulvérisé par l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam.

Le « tribunal Monsanto » est présidé par de vrais magistrats. Ceux-ci se basent et se prononcent sur des droits et non sur des opinions. Ils utilisent les mêmes méthodes de travail que les tribunaux ordinaires mais n’en ont pas les mêmes pouvoirs (d’investigation, de perquisition, etc.).

Du 16 au 18 octobre 2016, à La Haye, cinq juges professionnels aujourd’hui à la retraite ont auditionné une trentaine de témoins, victimes, avocats et experts. Ces juges sont un Argentin, un Canadien, un Mexicain, ainsi qu’un Sénégalais, placés sous la présidence de Françoise Tulkens, ex-juge belge à la Cour européenne des droits de l’homme. Bien qu’invité à comparaitre, Monsanto ne s’est pas présenté.
Tribunal citoyen, le « tribunal Monsanto » n’a pas la possibilité de punir les auteurs des infractions constatées. Son avis, énoncé en lien avec les lois internationales existantes, est consultatif.

Coupable !

Pour Françoise Tulkens, le travail du « tribunal Monsanto » a permis d’élaborer
« un jugement en droit. Il n’y a pas eu de procès avec la confrontation de deux parties mais nous avons établi nos conclusions sur la base de nombreux rapports et sur des témoignages qui n’ont pas été contredits, de faits qui n’ont pas été contestés ».
Le 18 avril 2017, le « tribunal Monsanto » a rendu son jugement.
Il estime que, par ses activités, la firme porte atteinte à quatre droits reconnus à tous les citoyens du monde : le droit à un environnement propre, sain et durable, le droit à l’alimentation et au meilleur état de santé. Elle nuit également à la liberté de la recherche scientifique.

Le tribunal estime encore que, si un « écocide » existait en droit international, ce qui n’est pas le cas actuellement, Monsanto pourrait être reconnu complice de crime de guerre, d’autant qu’il connaissait la destination de ses produits (comme l’agent orange) et les conséquences de leur utilisation. De même, s’il existait un crime d’écocide en droit international, Monsanto pourrait être reconnu coupable de crime d’écocide, par exemple pour avoir produit et diffusé très largement des substances agricoles dangereuses et des OGM.

L’espoir ?

Le tribunal citoyen Monsanto n’avait pas le pouvoir de punir l’entreprise multinationale mais il est cependant porteur d’espoir.

Tout d’abord, il a permis d’informer le public à propos des pratiques et produits de l’entreprise Monsanto. Ensuite, il pourrait faire avancer le droit et évoluer la justice internationale vers la reconnaissance d’un crime d’écocide. Si celui-ci existait, l’entreprise Monsanto pourrait éventuellement être jugée et punie par la Cour pénale internationale. Enfin, l’avis très argumenté du tribunal citoyen peut être utilisé par des victimes de firmes agroalimentaires devant un tribunal ordinaire.

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