L’actualité commentée

Novembre 2018

Bolivie-Chili à la Cour internationale de justice

Le 20 novembre 2018

Non, dit la Cour internationale de justice, le Chili n’est pas obligé de négocier avec la Bolivie qui veut obtenir un accès à l’océan Pacifique !
De quoi s’agit-il ?

Mots-clés associés à cet article : Cour internationale de justice , Frontières , Charte des Nations unies

La Bolivie est un pays d’Amérique du Sud. Il est totalement entouré par d’autres États, en particulier par le Chili, au sud-ouest. Il n’a donc pas d’accès à la mer (curieusement, la Bolivie parle indifféremment de « la mer » ou de « l’océan Pacifique » lorsqu’il s’agit de l’accès à celui-ci.)

Un vieux conflit

Il y a plus d’un siècle, avant la guerre de 1879-1983 avec le Chili, une frontière bolivienne longeait l’Océan Pacifique. Elle bordait un territoire riche en guano et en salpêtre, qui intéressait aussi le Chili. Mais la Bolivie a perdu cette guerre, appelée parfois « guerre du Pacifique ». La paix a été signée en 1904. Les 400 kilomètres de littoral le long du désert d’Atacama et 120.000 km2 du territoire bolivien sont devenus chiliens. La Bolivie n’a plus eu de débouché maritime !
Depuis lors, elle a toujours revendiqué cet accès à la mer, qui est même inscrit dans sa Constitution. Le 23 mars de chaque année, La Paz, sa capitale, se souvient de la perte du littoral sur le Pacifique : c’est le « dia del mar » ou « jour de la mer ». Pays le plus pauvre d’Amérique latine, la Bolivie estime que sa richesse serait supérieure si elle n’avait pas été privée d’un accès à la mer. « La Bolivie est née avec la mer et les deux sont inséparables : depuis son enclavement forcé, notre pays ne peut profiter des richesses et des opportunités offertes par les océans », a déclaré Evo Morales, l’actuel président.
Cet accès pourrait être un bout de territoire repris sur les 120.000 km2 cédés en 1904, un corridor à travers le désert d’Atacama, jusqu’à la côte Pacifique.
Pendant plus d’un siècle, les deux pays ont dialogué, négocié, échangé à la recherche d’une solution jamais trouvée.

La Bolivie s’adresse à la Cour internationale de justice

Alors, le 19 mars 2018, le président bolivien Evo Morales s’est adressé à la Cour internationale de justice. C’est en effet celle-ci, qui siège à La Haye, qui peut régler les conflits entre États dont, par exemple, des conflits de frontières. Il lui demande de dire et de juger que :

  • le Chili est obligé de négocier avec la Bolivie pour parvenir à un accord lui donnant pleinement accès à l’Océan Pacifique ;
  • le Chili n’a pas respecté cette obligation ;
  • le Chili doit « s’acquitter de cette obligation de bonne foi, de manière prompte et formelle, dans un délai raisonnable et de manière effective », afin d’octroyer à la Bolivie un plein accès à l’océan Pacifique.
    De son côté, le Chili demande à la Cour de rejeter l’intégralité des demandes de la Bolivie.
    Devant cette Cour, la Bolivie prétend que le Chili s’est toujours engagé envers la Bolivie à mettre fin à l’enclavement. Pour le prouver, elle invoque de nombreux accords bilatéraux et déclarations, de même qu’un précédent arrêt de la Cour, datant du 24 septembre 2015.
    Elle argumente encore à propos de son « attente légitime », comme si cela était une évidence de revendiquer cet accès à la mer.
    Elle invoque encore la Charte des Nations Unies (ONU) et celle de l’Organisation des États américains (OEA).

L’arrêt

La Cour internationale de justice a scrupuleusement examiné les arguments invoqués par la Bolivie.
Elle estime que ni les accords bilatéraux ni les déclarations ne comprennent une obligation de négocier cet accès à la mer mais seulement, pour certains d’entre eux, une disposition à engager des négociations.
L’argument concernant les « attentes légitimes » de la Bolivie ne peut pas être invoqué en droit international,
Quant à la Charte des Nations unies, elle prévoit que « les membres règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger » (paragraphe 3 de l’article 2). La négociation ne constitue pas une obligation. Enfin, les textes de l’Organisation des États américains se contentent de « recommander aux États d’engager des négociations sur la question » de l’accès de la Bolivie à l’Océan Pacifique.
La Cour internationale de justice a rendu son arrêt le 1er octobre 2018. Elle donne donc tort à la Bolivie : le Chili n’est pas obligé de négocier un accès à l’Océan avec la Bolivie.
Il a toutefois encouragé les deux pays à « continuer à dialoguer à la recherche d’une solution ».

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