Les rouages de la justice

La justice au Musée

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Pas simple de rendre la justice : le Musée BELvue crée un outil pour l’expliquer aux jeunes

Le 1er avril 2019

Palais de justice de Bruxelles, 9h30’. Tribunal correctionnel. Première affaire : le prévenu comparait suite à une plainte de sa femme pour violence. Il est défendu par son avocat. Deuxième affaire : il est question d’un vol de bijoux mais l’avocat de la partie civile est seul présent à l’audience.

Image @ BELvue

Ensuite, pendant qu’un vendeur de drogue s’explique, seul, face au juge, trois policiers pénètrent dans la salle avec un homme menotté. Un avocat précise attendre son client, présent dans la salle une demi-heure plus tôt mais absent alors qu’il devrait être le prévenu suivant. S’intercale un jeune gilet jaune venu entendre son jugement suite à sa comparution trois semaines auparavant : il devra prester 40 heures de travail d’intérêt général… Le prévenu disparu réapparait… et les affaires se suivent, certaines personnes étant là pour une audience, d’autres pour entendre le « prononcé du jugement » de leur affaire…

De découverte en découverte !

Dans la salle d’audience, treize jeunes d’une sixième « Transition sciences sociales » d’un athénée bruxellois sont attentifs. Ils participent à un « workshop » mis sur pied par le musée BELvue pour sensibiliser les élèves à la justice. Plus précisément, cette animation veut permettre aux jeunes d’acquérir les connaissances nécessaires pour comprendre les bases de la justice en Belgique et le fonctionnement du tribunal correctionnel. Elle veut les sensibiliser à la difficulté de juger et leur permettre de réfléchir à la nécessité de la justice.
Auparavant, l’animatrice du BELvue a donné une courte explication de la structure de la justice belge et identifié les acteurs des procès auxquels ils vont assister, avec leur place et leur rôle. Elle a précisé de strictes consignes : téléphones coupés, silence complet, pas question de manger ou boire.
Une heure trente plus tard, autour d’une table dans la salle des pas perdus, jeunes, professeurs et animatrice se retrouvent pour un débriefing. Grand étonnement des jeunes : le prévenu accusé de violence par sa femme a quitté la salle, tout souriant… au bras de sa femme ! Comment est-ce possible ?
Après cette première découverte de la complexité des individus, l’animatrice passe en vue les différentes affaires. Elle questionne, fait creuser le sujet : quels sont les arguments de l’avocat ? Connaissiez-vous les peines de travail ?
Elle répond aussi aux multiples questions, elle explique : « Non, une amende et un dédommagement, ce n’est pas la même chose » et « Oui, un juge peut imposer une formation contre la violence domestique » ou encore « Non, un sursis ne supprime pas une peine ».

Difficile de rendre la justice !

On sent la méfiance de certains jeunes vis-à-vis des institutions : « Comment ça se passe quand un juge est coupable ? Quand un policier fait des bavures ? ». Les séries télévisées sont souvent source d’infos… erronées. L’animatrice précise clairement que toute personne coupable, fût-elle juge ou policier, est jugée.
D’autres interrogations surgissent rapidement : « Mais pourquoi on n’envoie pas directement un voleur en prison ? » questionne une jeune fille. « Parce qu’il peut changer », lui répond une autre. « Elle se croit chez les Bisounours ! », déclare, péremptoire, un garçon. « Parce que ce n’est pas nécessairement une solution », dit l’animatrice. Et la professeure enchaine avec une comparaison qui parle aux étudiants : « Quand vous êtes en échec, on peut discuter très longtemps votre situation en délibération et vous permettre de repasser un examen par exemple, parce qu’on veut vous donner une chance, parce qu’on croit que vous pouvez progresser. Un prévenu peut ainsi être condamné avec un sursis ». Et elle ajoute encore : « Pour deux élèves avec les mêmes points, on peut prendre deux décisions différentes parce qu’un cas n’est pas l’autre, qu’il s’agisse de l’école ou de la justice ».
L’idée que rendre la justice n’est pas simple fait son chemin…

Enfin, le jeu de rôle

L’après-midi, ces jeunes entrent dans la peau des acteurs de la justice. Ils prennent connaissance de « L’affaire Arthur », celle d’un propriétaire qui aurait agressé le compagnon de son ex-compagne et locataire. Les rôles sont répartis par l’animatrice : juges, avocats, prévenus, parties civiles, procureurs… Chacun reçoit son rôle et un document précisant comment et quand il va intervenir, comment il s’exprimera, comment il réagira aux discours des autres et encore, quelles sont les peines possibles dans un jugement au tribunal correctionnel.
Pendant trois-quarts d’heure, tous planchent sur leur future intervention, aidés par l’enseignante, l’animatrice et un substitut du procureur du Roi. La concentration est évidente, maximale et le plaisir est présent. Les étudiants cherchent… et inventent aussi : « Vous voulez bien jouer ma copine ? » demande un futur prévenu à sa professeure. « Oui ? Je vous appelle Emma, ça vous va ? ».
Et enfin, l’apothéose : les voici, en toges pour les apprentis magistrats et avocats, dans la même salle d’audience que le matin. D’emblée, tous s’installent aux places prévues et la juge prend immédiatement la parole : « Silence ! », réclame-t-elle d’une voix de stentor ! Et le jeu de rôle démarre, avec des audaces, des hésitations, des rires aussi. Il sera joué deux fois.
La journée se terminera par un second débriefing suivi d’une rencontre avec un juge qui répondra aux questions encore en suspens posées par les jeunes.
À l’issue de la journée, les découvertes sont intéressantes : juger n’est pas simple, il ne suffit pas d’appliquer une peine standard à une situation… qui n’est jamais standard. Le juge explique pourquoi il décide d’une peine. Les prévenus ont la parole. Ils doivent fournir des certificats pour prouver un travail, un accident… Ou encore, il n’y a pas que des emprisonnements et des amendes, il existe aussi des peines de travail et des sursis à des peines de prison. Il peut même y avoir une peine de formation …

Pour en savoir plus

Le Workshop « Justice-en-jeu » a été créé par le Servie éducatif du musée BELvue, à la demande du Conseil supérieur de la Justice. Le BELvue est un projet de la Fondation Roi Baudouin. Organisé dans dix palais de justice du pays, il nécessite évidemment la collaboration de magistrats et d’avocats.
« Justice-en-jeu » est destiné à des élèves de cinquième et sixième secondaire (de 12 à 24 participants). Une nouvelle version, destinée à des élèves de fin de primaire et de début de secondaire est accessible à Bruxelles, Liège et Marche-en-Famenne. Il reste encore des places disponibles pour cette année scolaire.
Les réservations pour l’année 2019-2020 seront accessibles la semaine du 20 mai 2019.

www.belvue.beinfo@belvue.be – 02/500.45.54

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