L’actualité commentée

Aout 2019

Prison à perpétuité et droits de l’Homme

Le 1er août 2019

Reconnus coupables de l’assassinat de Valentin Vermeesch, torturé puis jeté vivant dans la Meuse, deux des accusés ont été condamnés à la perpétuité. Ainsi en a décidé la Cour d’assises de Liège le 18 juin 2019.

Mais une condamnation à perpétuité respecte-t-elle la Convention des droits de l’Homme signée par la Belgique ? N’est-elle pas un « traitement inhumain et dégradant » ?

Des peines compressibles !

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme permet de répondre à ces questions.
Dans plusieurs arrêts, la Cour a considéré que des peines incompressibles constituaient des traitements inhumains et dégradants, interdits par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Mais la Cour estime aussi que les peines perpétuelles ne deviennent des peines inhumaines et dégradantes que si elles sont incompressibles, c’est-à-dire si elles ne peuvent, en aucun cas, être diminuées.
Pour respecter la Convention européenne des droits de l’Homme, les peines perpétuelles peuvent donc être prononcées mais elles doivent donc être compressibles. Autrement dit, le condamné à perpétuité, après une durée d’emprisonnement fixée par la loi, doit avoir deux possibilités : celle d’un « élargissement » (autre terme pour une libération) et celle d’un réexamen de sa situation. Au cours de ce réexamen, les autorités vérifieront si le détenu a évolué, progressé de telle manière qu’il n’y aurait plus de raison de le maintenir en prison. Un condamné doit pouvoir garder un espoir de réinsertion, même minime.
Attention, l’intéressé peut très bien se voir refuser cet élargissement s’il représente toujours un danger pour la société.

En réalité, pas en théorie

Autre exigence de la Cour européenne : l’éventualité d’un élargissement et la possibilité de réexamen de la peine ne peuvent pas être seulement théoriques. Il faut que les condamnés puissent réellement en bénéficier. Donc, leurs conditions de vie et les traitements suivis en prison doivent préparer à une réinsertion dans la société. Selon leur situation, les détenus doivent, par exemple, avoir pu suivre une thérapie ou des traitements médicaux, psychologiques ou psychiatriques (qui contribueront à ne plus les rendre dangereux pour la société, par exemple et donc, travailleront à leur réinsertion). Ils doivent aussi avoir pu avoir des activités, professionnelles notamment, qui aideront, elles aussi, à leur réinsertion.

Au procès de Liège

Tenant compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, les peines d’emprisonnement à la perpétuité des deux accusés concernés respectent bien la Convention européenne des droits de l’Homme.

En effet, en Belgique, les peines incompressibles n’existent pas ; une condamnation à perpétuité ne signifie pas « pour toujours ». Un condamné à la perpétuité (ou un condamné à trente ans de prison) peut demander une libération conditionnelle après quinze ans d’emprisonnement (davantage s’il s’agit d’un récidiviste).
Quant à l’exigence d’une réelle préparation à une réinsertion pendant les années d’emprisonnement, rien ne permet de penser que ce ne sera pas le cas pour les deux intéressés. Cela sera à vérifier lorsqu’ils pourront demander une éventuelle libération conditionnelle.

Commentaires

  1. Prison à perpétuité et droits de l’Homme

    23 octobre 2019

    Marie France

    "la Cour a considéré que des peines incompressibles constituaient des traitements inhumains et dégradants, interdits par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme."
    > A t’on seulement penser une seconde aux victimes qui elles ont eu des traitements inhumains et dégradants à PERPETUITE !!!!!!! Je pense notamment aux meurtres/viols d enfants (cas Dutroux)...
    La Cour a t elle pensé aux conséquences de ces traitements inhumains et dégradants sur les familles des victimes qui ont vu leur vie éclater ?
    Rétablissez la peine de mort pour tous ces cas d’atteintes aux personnes .

  2. Prison à perpétuité et droits de l’Homme

    11 août 2019

    Marie-Hélène Duvivier

    "Donc, leurs conditions de vie et les traitements suivis en prison doivent préparer à une réinsertion dans la société. Selon leur situation, les détenus doivent, par exemple, avoir pu suivre une thérapie ou des traitements médicaux, psychologiques ou psychiatriques". Je ne sais si je dois rire ou pleurer en lisant ces lignes. A part de l’abrutissement médicamenteux (pas toujours adapté, que les détenus s’échangent et dont plus d’un ne connaît pas le nom et les effets…), il n’y a que très peu de possibilités de suivre une psychothérapie digne de ce nom. Madame Lebrun, directrice de la prison de Ittre, parlait de plus d’un an d’attente pour voir le psychologue, lors d’une intervention télévisée voici quelques mois. Les autorités le savent, le manque crucial de moyens est souvent dénoncé. Mais… tout le monde (ou presque) s’en fout. Et ce qui concerne la durée des peines, les criminologues ont démontré leur effet contre-productif (euphémisme …) après quelques années. Mais… tout le monde (ou presque) veut les allonger. Bref, pas demain que les détenus pourront se remettre en question en profondeur et s’amender. Et … tout le monde s’en fout (ou presque).

  3. Prison à perpétuité et droits de l’Homme

    6 août 2019

    Michel Schobbens

    Je considère que la prison à perpétuité au sens strict du terme, ne rime
    à rien. Pour les cas les plus crapuleux, commis par des monstres qui
    ne changeront jamais, je suis pour la peine de mort.
    Pour les cas graves, mais qu’on pourra faire évoluer dans le temps, je
    trouve très bien qu’après une longue peine d’emprisonnement on puisse
    libérer le coupable, si on est quasi persuadé qu’il n’est plus un danger
    pour la société.