L’actualité commentée

Juillet 2021

Peut-on désobéir pour lutter contre l’urgence écologique ?

Le 1er juillet 2021

Depuis plusieurs dizaines d’années, des scientifiques tirent la sonnette d’alarme à propos de la crise écologique. Lors de l’Accord de Paris, en décembre 2015, les États ont pris certains engagements mais, vu la situation actuelle, selon une étude publiée par les Nations Unies ; « un réchauffement de la planète supérieur à 3° Celsius d’ici 2100 est inéluctable, même dans une hypothèse relativement optimiste où les États se conforment à leurs engagements annoncés ».

Photo @ PxHere.com

Des décisions insuffisantes

De nombreuses associations et citoyens constatent de plus en plus fréquemment que les États ne réagissent pas suffisamment aux dérèglements climatiques. Ils estiment que les moyens légaux d’obliger les États à lutter contre le réchauffement climatique sont insuffisants ou/et inefficaces, Alors, ils décident de lutter hors de la légalité pour mettre l’urgence écologique en évidence et forcer les États à agir. Ils organisent des actions dites de « désobéissance civile non-violente ».
Sans autorisation, illégalement donc, des défenseurs de l’environnement ont bloqué les principaux ponts de Londres, paralysant la capitale ; d’autres occupent des bâtiments administratifs ou saturent les serveurs électroniques…
Puisqu’il s’agit d’actes illégaux, d’infractions, les autorités judiciaires peuvent décider de poursuivre et de juger les organisateurs de ce genre d’actions. Dans ce cas, les organisateurs se défendent en disant que les juges doivent tenir compte d’une « cause de justification ». Si celle-ci se vérifie, si le juge l’admet, ces organisateurs pourraient alors être acquittés.
Mais qu’est-ce qu’une « cause de justification » ?
Il s’agit d’un ensemble de circonstances qui qui font que, bien que l’acte soit illicite, ne respecte pas la loi, il va néanmoins être admis comme juste, justifié et donc l’auteur ne sera pas condamné.

Un état de nécessité

En droit belge, l’état de nécessité peut être considéré comme une cause de justification. Mais alors, qu’est-ce que l’état de nécessité ?
Il peut y avoir état de nécessité devant une situation de danger grave et imminente qui fait que la personne qui y est confrontée doit choisir entre respecter la loi ou commettre une infraction pour défendre un droit qu’elle estime plus important que le respect de la loi.
Si cette personne démontre bien qu’il existe cet état de nécessité et donc qu’elle a eu raison de commettre l’infraction qui lui est reprochée, si le juge reconnait cet état de nécessité, elle pourra être acquittée. Un exemple : je transporte dans ma voiture jusqu’à l’hôpital une personne grièvement blessée et je commets un excès de vitesse. Mon excès de vitesse est « justifié » par un état de nécessité car j’ai choisi de protéger une valeur plus importante, à savoir la vie de la personne en question.

Des conditions

Pour que le juge reconnaisse un état de nécessité, il existe de strictes conditions à respecter :
le danger doit être grave, certain et actuel ou imminent pour la personne concernée, pour autrui, ou pour des biens ;

  • l’intérêt protégé doit être plus important que celui qui est sacrifié (autrement dit quand il s’agit de l’urgence climatique : il est plus important de protéger le climat que de respecter la loi) ;
  • il était impossible de sauvegarder la valeur menacée (ici, le climat) autrement qu’en commettant l’infraction ;
  • il n’y a pas eu de faute préalable (ici, les citoyens ayant « désobéi » ne sont pas coupables du dérèglement climatique).

Ainsi, quand, en 2019, un conseiller communal a grimpé sur des échafaudages pour atteindre le haut panneau publicitaire Coca Cola de la place de Brouckère (Bruxelles) et contester des accords commerciaux internationaux, l’état de nécessité n’a pas été reconnu par le juge.
Devant les militants pour la protection du climat, les juges pénaux doivent donc se demander et décider :

  • si les problèmes liés au dérèglement climatique causent un danger certain, grave, actuel et imminent ;
  • si les militants n’avaient pas d’autres moyens de protéger la planète que de commettre une infraction ;
  • si la situation dans laquelle ils sont ne provient pas d’une faute auparavant commise par eux.

Il y a peu, quelques décisions étrangères (françaises et suisses) ont admis cet état de nécessité justifiant ces actes de désobéissance civile pour lutter contre l’urgence écologique.
Pour la première fois donc, plusieurs juges ont admis que le danger lié au réchauffement climatique était imminent, que les actions des activistes pourraient écarter ou réduire ce danger, qu’elles étaient proportionnées et que leurs auteurs n’auraient pas pu protéger autrement cet intérêt menacé.

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