Lorsqu’une personne souhaite faire appel à la justice, les premières questions qu’elle se pose sont : « Combien ça coute ? » et « Comment cela se passe-t-il ? ».
Trois articles répondent à ces questions. Le premier traitait du cout de l’avocat et le deuxième envisageait le cout de l’accès au tribunal.
Voici le troisième : comment serait-il possible que tous les citoyens qui le souhaitent puissent s’adresser à la justice ?
Mots-clés associés à cet article : Médiation , Avocat , Aide juridique , Coût de la justice , Accès à la justice , Assurance
La justice, accessible à 10 % de la population
Nous avons interrogé Maitre Jean-Marc Picard, avocat bruxellois, chargé des questions d’accès à la justice à l’Ordre des barreaux francophones et germanophone.
Impossible pour beaucoup
Maitre Picard estime que seulement 10 % de la population belge ont réellement les moyens de se payer les services d’un avocat pour intenter une action en justice. Un simple problème de voisinage coute déjà 2.000, 3.000 voire 4.000 euros. S’il y a nécessité d’une expertise, ce cout augmente encore.
Rappelons que, depuis quelques années, les frais de mise au rôle ont été augmentés et une TVA de 21 % a été ajoutée aux honoraires des huissiers et des avocats. Les indemnités de procédure, ca le forfait payé par le perdant d’un procès au gagnant pour ses frais d’avocat, sont, elles, indexées depuis juin 2016. L’accès à la justice coute donc de plus en plus cher.
Que peuvent faire les gens face à ce problème ?
Première piste : l’aide juridique
Certaines personnes peuvent avoir gratuitement ou partiellement gratuitement accès à l’aide juridique (jadis appelée « pro deo »). Cet accès est fonction des revenus. En 2017, le système est le suivant :
Personne isolée : Gratuité totale - si moins de 978 euros par mois
Gratuité partielle – de 978 à 1255 euros par mois
Cohabitant ou isolé avec une personne à charge :
Gratuité totale – si moins de 1255 euros par mois
Gratuité partielle – de 1255 à 1531 euros par mois
Ce n’était pas le cas auparavant mais aujourd’hui les personnes bénéficiant de l’aide juridique doivent payer 20 euros (soit un « ticket modérateur »), auxquels s’ajoutent 30 euros si une procédure est mise en route. Les détenus, les mineurs d’âge, les malades mentaux, les demandeurs d’asile, les personnes sans moyen d’existence sont dispensés de ce paiement.
Autre changement : si, précédemment, aucun contrôle du droit à l’aide juridique n’existait, l’avocat peut actuellement devoir prouver que la personne qui s’adresse à lui n’y a pas droit, par exemple parce qu’elle a plus de ressources que celles qui donnent droit à l’aide juridique.
Le paiement de ces 20 et 30 euros peut décourager les personnes les moins favorisées de s’adresser à l’aide juridique. Quand on gagne 800 euros par mois, débourser 50 euros, c’est très important.
Les avocats de l’aide juridique sont payés par l’État, via un budget augmenté récemment à 75 millions d’euros.
Justice ou médiation ?
Quand nous avons demandé à Maitre Picard combien coute de s’adresser à la justice, il nous a répondu d’emblée : « Cher ! Très cher ! Mieux vaut d’abord rechercher un système alternatif comme la médiation ! ».
Et d’expliquer : « Quand une personne vient voir un avocat, elle cherche souvent quelqu’un qui veut bien ‘tuer’ son adversaire ! Mais l’avocat va d’abord chercher une solution qui agréerait tout le monde ! Généralement, les personnes concernées devront se revoir plus tard, dans la vie. Alors, mieux vaut négocier. Cela se fait de plus en plus, même s’il est difficile pour un avocat d’amener un client à la médiation ». Économiquement, socialement, la médiation est plus intéressante parce qu’elle est moins couteuse, plus rapide, plus créative aussi. Et les adversaires sont tous deux satisfaits de la solution trouvée à leur différent.
Vers une assurance ?
Autre moyen de permettre aux personnes qui en auraient besoin de s’adresser à la justice, même avec des revenus insuffisants : la création d’une assurance.
Maitre Picard rappelle la création de la sécurité sociale après la guerre. Avec celle-ci, l’accès aux soins de santé (notamment) est devenu possible. Les mutuelles remboursent d’importants frais médicaux. De la même manière, on pourrait imaginer un fond de « sécurité juridique » auquel tous les citoyens contribueraient via un impôt ou une cotisation comme c’est le cas pour la sécurité sociale.
Cependant, inclure le paiement de cette assurance juridique dans les salaires ferait augmenter leur cout, ce qui poserait aussi problème. Il existe sans doute une autre raison de la difficulté à trouver une solution aux difficultés d’accès à la justice : c’est que si personne n’imagine pouvoir se passer d’un médecin et donc de la sécurité sociale, peu pensent qu’ils vont un jour aller en justice et donc, avoir besoin d’une assistance juridique. Ils ne prennent donc pas d’assurances qui paieraient le cout d’un procès
Actuellement, seules existent des assurances juridiques privées et donc, facultatives.
Le ministre de la justice réfléchit, lui, à la mise en route d’un contrat d’e-assurance juridique obligatoire, pas trop cher et donc accessible au plus grand nombre.
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