Le 17 aout 2016, un avion s’apprête à décoller de l’aéroport de Bruxelles vers Douala et Yaoundé, au Cameroun.
Menotté par des policiers qui le maintiennent sous leur contrainte, un homme crie. Il refuse d’être expulsé de Belgique.
Mots-clés associés à cet article : Étranger , Réfugié , Doute , Solidarité
Une quarantaine de passagers se lèvent, manifestent leur désaccord et s’indignent contre une expulsion forcée.
Le commandant de bord demande alors aux policiers escortant l’homme menotté de quitter l’avion avec lui. D’autres policiers demandent au personnel de bord de désigner les passagers récalcitrants. Six d’entre eux sont débarqués et arrêtés. Ils passeront une nuit en détention.
Accusés « d’entrave méchante à la circulation aérienne » et de ne pas s’être « conformés aux instructions données par le commandant de bord », ces six personnes viennent d’être jugées par le tribunal correctionnel de Bruxelles.
Le 13 décembre 2017, celui-ci les acquitte. Voici pourquoi.
Un double acquittement
Ces personnes, dit le jugement, n’avaient pas pour but d’empêcher ou d’entraver le vol. Elles ont agi « par sympathie envers la personne expulsée ou par indignation envers une personne maintenue détenue sous la contrainte à bord de leur vol et poussant des cris selon eux ’de douleur’ suite à des violences commises à son égard par les policiers l’entourant ». Leur objectif n’étant pas d’empêcher le départ de l’avion, elles ne sont donc pas coupables.
Quant à la deuxième accusation, elle ne peut pas être prouvée : en effet, les prévenus n’ont pas été reconnus formellement comme étant les chefs de l’opposition à l’expulsion. D’autre part, les images caméra montrent qu’un nombre important de passagers ont protesté debout contre la procédure d’expulsion. Il n’y a pas moyen d’y identifier les prévenus comme étant ceux qui ont refusé d’obéir au commandant de bord.
En outre, ces personnes ont elles-mêmes demandé au commandant de bord d’intervenir pour rétablir l’ordre. Difficile d’imaginer qu’ensuite, elles lui aient désobéi.
Rien ne prouve donc formellement que ces personnes ne se sont pas conformées aux instructions du commandant de bord. Puisqu’il existe un doute raisonnable à ce propos, les prévenus ne peuvent être condamnés. Sur la notion de doute en droit pénal, il est renvoyé à l’article suivant publié le 30 octobre 2016 par Questions-Justice : « Dans le doute, pas de condamnation ».
Une première !
Ce n’était pas la première fois que des passagers s’opposaient à l’expulsion forcée d’une personne encadrée par la police. Mais c’est la première fois que des passagers sont jugés pour cette raison. Ce premier jugement pourrait faire jurisprudence c’est-à-dire que, si d’autres passagers étaient jugés pour ce même motif, ils pourraient aussi être acquittés. Mais attention : un tribunal juge toujours en fonction des faits qui lui sont soumis, qui peuvent varier parfois de manière importante même si les motifs des poursuites sont comparables.
Autre possibilité : les procureurs pourraient, à l’avenir, décider qu’il n’y a pas de raison de juger ces personnes qui interviennent par sympathie ou indignation lors d’une expulsion forcée. Et donc, comme dit le langage judiciaire, ils pourraient ne pas les poursuivre.
Être solidaire n’est pas une infraction
11 janvier 2018
Piano blanc
Tout comme Nadine, je trouve interpellant que l’auteur de cet article est anonyme.
J’ai ma petite idée à ce sujet mais je la garderai pour moi (afin d’éviter d’être poursuivi...).
D’autre part, je ne savais pas que le Cameroun était une dictature ou qu’on y pratiquait la torture...
Enfin, il est bien connu qu’il suffit à un expulsé de crier dans l’avion pour émouvoir les âmes sensibles.
D’autant que la plupart des passagers étaient sans doute des compatriotes camerounais ou des européens ayant des attaches (professionnelles ou familiales) avec le Cameroun.
Bref, on ne pourra bientôt plus expulser personne.
Pas étonnant que le Ministre néerlandophone qui a la charge la plus ingrate du gouvernement soit aussi populaire auprès de la majorité silencieuse (celle que ne crie pas, mais pense) en ce compris en Wallonie.
Répondre à ce message
Être solidaire n’est pas une infraction
10 janvier 2018
Amandine
Un grand merci pour cette information.
Un grand merci aussi aux passagers qui se sont levés pour protester contre les traitements infligés à cet homme ; son seul "crime" est de n’avoir pu obtenir de nos autorités le droit de résider en notre pays.
Ce serait une énorme violence de la part de l’Etat que d’imposer à des citoyens d’assister à pareils actes sans pouvoir réagir, sauf à être poursuivis devant la justice pénale.
Mais pourquoi poursuivre six passagers "seulement" ?
Peut-être par volonté d’intimider l’ensemble des protagonistes tout en évitant le bruit que l’affaire n’aurait pas manqué de faire si c’étaient quarante personnes, et non six, qui s’étaient retrouvées devant le Tribunal.
Espérons que, comme vous le dites, utilisant le conditionnel, les procureurs décideront, à l’avenir, de ne pas entamer de poursuites pour des réactions de cet ordre.
Répondre à ce message
Être solidaire n’est pas une infraction
10 janvier 2018
Nadine
C’est pour illustrer une BD ou c’est avéré ?! Sinon, j’aimerais connaître le nom de l’auteur de cette bafouille.
Répondre à ce message
Être solidaire n’est pas une infraction
10 janvier 2018
Schobbens Michel
Dans ce cas l’acquittement me paraît normal. Mais il est étonnant que parmi les
passagers protestataires, il n’ait pas eu quelques brutalités voire violences envers
les policiers. Si tel était le cas, il ne pourrait pas avoir un acquittement.
Par contre votre conclusion qu’à l’avenir les procureurs pourraient ne pas les
poursuivre me paraît être une bêtise, car les faits ne reproduisent jamais
exactement de la même manière. Il faut absolument juger au cas par cas.
Répondre à ce message