La Région bruxelloise ne fait pas ce qu’elle devrait faire pour lutter contre les causes du dérèglement climatique ! Elle vient d’être condamnée par le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles pour ses manquements. Qui a amené cette affaire devant le tribunal et pourquoi ? Quels sont précisément les reproches faits à la Région ?
Remontons pour cela au droit international…
Mots-clés associés à cet article : Environnement , Gaz à effet de serre , Climat , Accord de Paris , Biodiversité , Nature , Protection de la nature , Urbanisation
Le droit international, notamment l’Accord de Paris du 12 décembre 2015, et le droit européen imposent aux États (et à la Région de Bruxelles-Capitale qui a adhéré à l’Accord de Paris le 16 février 2017) de lutter contre les causes du changement climatique. Concrètement, il s’agit de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’un territoire et d’y augmenter sa capacité à absorber les gaz impossibles à éviter. Parmi les différents moyens de réduire ces émissions et/ou de les absorber, le rôle de la nature est très important. En effet, les arbres emmagasinent le carbone et, avec les espaces verts – arbres, prés, champs, forêts –, ils réduisent et/ou absorbent, dans différentes mesures, ces émissions nocives pour le climat.
Une coupable : l’urbanisation
L’urbanisation est clairement l’une des causes, parmi bien d’autres, du réchauffement climatique. L’urbanisation, c’est la construction ou le développement des villes, là où elles n’existaient pas encore, là où la nature avait droit de cité : espaces verts, parcs, bois, friches… Elle entraine inévitablement l’imperméabilisation des sols par la construction de routes, de parkings et ne leur permet plus d’absorber les eaux…
En juin 2023, les associations « We are Nature.Brussels » et « Bruxelles Nature », rejointes par 1330 citoyens, en ont fait le constat : les espaces verts diminuent, l’urbanisation des terrains naturels progresse. Elles ont décidé de réagir en demandant au Gouvernement bruxellois de cesser la destruction des derniers espaces verts.
Comme elles n’ont pas eu de réponses, ces associations se sont adressées au Tribunal de première instance francophone de Bruxelles. Elles estiment que la Région se base sur une règlementation datant d’avant la prise de conscience des bouleversements climatiques pour élaborer sa politique d’aménagement du territoire. Elle viole ainsi les obligations actuelles du droit international.
Ces associations demandent donc la suspension de cette urbanisation (ce que l’on appelle un moratoire). Précisément, elles veulent obtenir l’interdiction de construire sur des sites naturels de plus de 0,5 hectare tant que la Région n’a pas revu le Plan régional d’affectation du sol (PRAS) et le Règlement régional d’urbanisme (RRU) en tenant compte des actuelles obligations relatives au climat. Ce 0,5 hectare n’a pas été choisi par hasard : en effet, selon la règlementation européenne, un site de 0,5 hectare planté de 20 % d’arbres peut être considéré comme une forêt et il peut alors compter lorsque l’on comptabilise les quantités gaz absorbées.
Le jugement
Le 3 novembre 2025, le Tribunal a tranché : la Région bruxelloise ne peut pas continuer à urbaniser son territoire sans tenir compte des impératifs climatiques. Actuellement, elle « manque à son obligation générale de prudence ».
Concrètement, la Région bruxelloise doit prendre les mesures nécessaires pour « suspendre l’urbanisation et l’imperméabilisation des sites et terrains non bâtis de plus de 0,5 hectare » et cela, « jusqu’à l’adoption du nouveau Plan régional d’affectation du sol (PRAS) ou au plus tard jusqu’au 31 décembre 2026 ». Il y a donc bien un « moratoire ».
Plus précisément, la Région « doit cesser de délivrer des autorisations de bâtir sur des espaces naturels à Bruxelles, tout en garantissant le droit au logement pour toutes et tous, mais sans destruction de la nature ». Ces autorisations de bâtir concernent différents sites, comme la friche Josaphat, et différents projets, comme le stade de l’Union Saint-Gilloise.
Vers le futur
Laissons la conclusion de ce jugement à J.-B. Godinot, président de WeAreNature.Brussels : « C’est une excellente nouvelle pour la biodiversité et la résilience de Bruxelles face aux évènements climatiques extrêmes et, par conséquent pour les citoyens, leur santé et leur bienêtre qui vont être toujours plus impactés par les effets de l’élévation des températures. Il faut maintenant que la Région se dote d’une stratégie d’adaptation cohérente, fondée sur la nature, et qui protège les plus vulnérables ».
Remarquons aussi que ce jugement crée un précédent et pourrait, peut-être, être utilisé dans d’autres situations semblables à celle-ci. On pourrait dire alors qu’il « fait jurisprudence » : en effet, si la Région est condamnée à la suite des plaintes de différentes associations, d’autres citoyens, d’autres associations pourraient tenter le même genre de démarche dans d’autres lieux.
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