Le 19 octobre 2015, réagissant à des décisions du gouvernement précédent, 300 manifestants avaient bloqué le viaduc de Cheratte. Des syndicalistes liégeois avaient participé à cette action, qui avait créé d’importants embouteillages.
En 2020, à la suite de cette action de blocage, le tribunal correctionnel de Liège avait condamné 17 syndicalistes de la FGTB. Ils avaient écopé de peines allant de 15 jours de prison avec sursis à un mois de prison avec sursis et à différentes amendes.
Mots-clés associés à cet article : Liberté d’expression , Grève , Droit de grève , Piquet de grève , Syndicat , Liberté d’association , FGTB , Liberté de réunion
Le syndicat avait immédiatement fait appel. En octobre 2021, la Cour d’appel de Liège a rendu son arrêt. Elle confirme le verdict précédent et condamne les syndicalistes « pour entrave méchante à la circulation ».
D’un côté, le droit de grève
En Belgique, le droit de grève est un droit fondamental. Une organisation syndicale s’y réfère pour organiser une manifestation, un barrage routier, un piquet de grève ou tout autre action publique lorsqu’elle veut manifester son désaccord vis-à-vis de décisions patronales ou, dans l’exemple ci-dessus, politiques. La grève est alors un moyen de se faire entendre et d’arriver à négocier pour défendre les intérêts des personnes syndiquées.
Le droit de grève n’est cependant pas un droit absolu, il peut être limité, restreint, mais seulement à certaines conditions. En effet, les restrictions de ce droit doivent avoir été prévues par la loi et être justifiées par « un besoin social impérieux » ; voir sur Questions-Justice « La grève, un droit et quel rôle pour le juge ? »).
Les syndicalistes ont fait appel de la décision du tribunal correctionnel parce qu’ils estiment que la décision de la justice ne respecte ni la liberté d’expression ni la liberté de manifester et d’exercer le droit de grève.
De l’autre, la sécurité publique
Dans son arrêt, la Cour précise qu’elle ne reproche pas une action syndicale aux personnes concernées. Elle confirme qu’une action syndicale est légale. Elle affirme ne pas condamner les intéressés parce qu’ils ont mené une action syndicale mais parce, comme le dit le Code pénal, ils ont « porté une atteinte grave à l’ordre public, à la sécurité routière, à l’intégrité de personnes physiques ». Autrement dit, parce qu’ils auraient mis les usagers et eux-mêmes en danger en bloquant la circulation sur une autoroute.
En conclusion, la Cour estime que l’action syndicale n’est pas « une simple entrave à la circulation résultant de piquets de grève ou de barrages routiers filtrants, mais bien une entrave méchante à la circulation avec une mise en danger ». Et cette « situation potentielle de danger dans la circulation ne peut être justifiée par un droit de grève ou d’association ». Donc, dit la Cour, la condamnation des syndicalistes ne restreint pas, n’attaque pas le droit de grève qui peut s’exercer sans adopter des comportements dangereux pour la société. Elle limite bien les libertés d’expression et de réunion mais cette limitation est justifiée par une « nécessité sociale impérieuse » : il fallait punir des personnes en ayant mis d’autres en grave danger.
Prison avec sursis
Les dirigeants syndicalises sont condamnés à des peines d’un mois de prison avec sursis et à une amende de 250 à 350 euros (à multiplier par 8) et les militants sont condamnés à 15 jours de prison avec sursis et à une amende de 25 euros (à multiplier par 8).
Toujours opposée à ces condamnations, la FGTB a annoncé un recours à la Cour de cassation et à la Cour européenne des droits de l’Homme.
Source : Arrêt de la Cour d’appel de Liège, 19 octobre 2021.
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