Il y a 35 ans déjà, une loi belge précisait que « l’abattage des animaux ne peut se pratiquer qu’après étourdissement de l’animal ou, en cas de force majeure, suivant la méthode la moins douloureuse ».
Mots-clés associés à cet article : Abattage rituel , Bienêtre animal , Liberté de religion
Il prévoyait cependant une exception pour les abattages sans étourdissement prescrits par un rite religieux ; il est renvoyé sur ce oint à un précédent article publié sur Questions-Justice, « Le bienêtre animal justifie-t-il une limitation de la liberté de religion ? ».
Un vieux débat
Les religions juive et musulmane pouvaient donc toujours légalement pratiquer leur rite : les animaux restaient intacts avant leur mise à mort, il n’y avait pas d’étourdissement préalable. Mais le sujet a continué à s’imposer. Les défenseurs du bien-être animal s’opposent toujours à cet abattage rituel tandis que les tenants de celui-ci invoquent le respect de la liberté religieuse. Pour la justice, la question a donc continué à se poser : la liberté religieuse n’est pas absolue mais la restreindre par respect d’un rite religieux est-il admissible ?
Le Conseil d’État a donné plusieurs fois son avis sur différentes propositions de décrets (flamand et wallon). Ainsi, en 2017, il relève que « le bien-être animal s’est vu reconnaître une place toute particulière dans le droit européen » et que « la volonté d’éviter de faire souffrir les animaux […] est un objectif incontestablement légitime ». Il estime cependant que les propositions de loi concernant l’obligation d’étourdissement réduisent la liberté religieuse de manière disproportionnée. Il invite alors à rechercher des aménagements nécessaires qui devraient permettre un « juste équilibre » entre le souci du bien-être animal et la prise en compte des convictions religieuses de ceux qui considèrent que l’absence d’étourdissement avant abattage est essentielle pour leur pratique religieuse.
Non, dit la Cour constitutionnelle
En 2019, les choses changent : dans les deux Régions wallonne et flamande, l’étourdissement des animaux avant abattage devient obligatoire. Des personnalités de la communauté juive et des associations religieuses islamiques s’adressent alors à la Cour constitutionnelle pour faire annuler ces décrets. Elles invoquent toujours le respect de la liberté religieuse.
Le 30 septembre 2021, la Cour constitutionnelle rejette ces recours. Elle reconnait que l’obligation d’étourdissement avant abattage restreint la liberté de religion des croyants juifs et musulmans mais elle affirme que « la protection du bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles constitue un objectif légitime d’intérêt général ».
La Cour tient compte de l’avis des scientifiques qui reconnaissent que l’étourdissement préalable est le meilleur moyen de réduire la souffrance animale. Elle précise que les Régions ont bien écouté les différents intervenants et tenté de trouver un juste équilibre. Ainsi, elles autorisent un « étourdissement réversible » qui, sans entrainer la mort, provoque la perte de conscience et de sensibilité de l’animal.
La Cour met en évidence que « la protection du bien-être animal constitue une valeur éthique à laquelle il est attaché une importance accrue dans la société belge, ainsi que dans d’autres sociétés contemporaines ».
Le Comité des organisations juives de Belgique estime, elle, que la Cour constitutionnelle « refuse de protéger les minorités religieuses » et annonce vouloir continuer son combat pour l’interdiction de l’étourdissement des animaux avant abattage.
À l’opposé, l’arrêt de la Cour constitutionnelle réjouit l’association Gaia. Celle-ci espère voir bientôt l’interdiction de l’abattage rituel également imposée en Région bruxelloise.
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