L’actualité commentée

Novembre 2021

Quand un enfant visite un parent détenu…

Le 4 novembre 2021

Plus de 17.000 enfants de 0 à 18 ans ont un parent très majoritairement un père en prison mais un sur deux ne voit plus son parent détenu.

Mots-clés associés à cet article : Prison , Enfant , Itinérances

Pour aider au maintien du lien familial, la Croix-Rouge a créé le réseau « Itinérances », dont les volontaires accompagnent des enfants en visite là où séjourne leur parent.

Pour une heure de visite

« Souvent, explique Madame Y, volontaire depuis 2004 et le début du projet, c’est le père qui demande la visite de son fils ou sa fille. Informée par la prison concernée de la date prévue pour cette visite, la responsable provinciale d’Itinérances nous contacte et, si nous marquons notre accord, nous recevons alors la fiche du ou des enfants. Celle-ci précise le nom du parent détenu et parfois, des parents, tous deux détenus , celui du responsable de l’enfant et celui de la personne qui, en prison, mettra l’enfant en contact avec son parent puisque nous nous arrêtons à la porte de la prison. Nous connaissons l’âge des enfants, s’ils ont des problèmes de santé, un médicament à prendre, s’ils supportent la voiture… bref ce qu’on peut et doit savoir, le minimum nécessaire, pas plus.
La fiche précise encore si l’enfant sait que son parent est en prison. Effectivement, il y a parfois des fratries où les aînés sont au courant de la situation, mais pas les plus jeunes. J’ai accompagné une fillette qui croyait aller voir son papa à l’hôpital.
La visite de l’enfant est alors une visite privée d’une heure, une fois par mois. Il existe aussi un autre visite, avec tous les papas et tous les enfants dans une pièce ad hoc, cette visite peut durer deux heures.

La première fois que nous devons conduire l’enfant, nous prenons auparavant contact et un premier rendez-vous avec la personne qui en est responsable, souvent la maman, ou la grand-mère, parfois un milieu d’accueil. Nous essayons de mettre l’enfant, mais aussi la mère (qui doit confier son enfant à une étrangère), en confiance.
Quand la visite est programmée, nous nous rendons en voiture au domicile de l’enfant. Nous fonctionnons toujours en binôme conductrice-accompagnatrice, pour des raisons à la fois de sécurité et de bien-être. Nous pouvons prendre en charge un bébé (avec le matériel voulu !), un petit tout seul, une fratrie de deux, trois, quatre enfants (dans un véhicule adéquat !). Nous essayons de les mettre à l’aise, de créer la confiance tout en restant hyper-neutres. Nous emmenons des albums pour les plus jeunes, des petits jeux, des coussins et nous vérifions qu’ils ont bien leur carte d’identité avec eux. Pendant le trajet, les ados, souvent, ont le casque sur les oreilles et écoutent leur musique. S’ils n’ont qu’une oreillette, on papote un peu, on leur demande quelle musique ils aiment écouter et parfois, nous pouvons la leur proposer !
Et nous arrivons un quart d’heure d’avance à la prison où nous « remettons » l’enfant à la personne qui le prend alors en charge ».

Écouter avec bienveillance

« Avant la visite, les enfants sont souvent contents, un peu excités. Quand ils sortent de la prison, nous demandons seulement : ‘ça va ?’. Ils peuvent être tristes de quitter papa ou maman, parler ou se taire. On les écoute, on compatit, on reste à la fois neutre et bienveillant : ‘C’est normal d’être triste mais tu reviendras, c’est toujours ton papa’.
Les petits savent en général que leur père est en prison mais je ne suis pas sûre qu’ils sachent pourquoi. C’est sans doute différent pour les ados, qui doivent parfois savoir le pourquoi et leur réaction à la visite peut y être liée, plus ou moins explosive… Je pense à ce garçon très mal à la sortie, en crise, très fâché parce que ‘Papa dit des mensonges, il dit qu’il va sortir mais il ne sort pas’. À nous à écouter, à calmer, à rassurer et parfois, à répondre à une question : ‘Ton papa a fait quelque chose qu’il ne fallait pas, il a commis des erreurs, il est puni mais c’est toujours ton papa !’ ».

Du temps mais surtout du tact, de la bienveillance

Autant que faire se peut, le même binôme accompagnera les mêmes enfants pendant toute la durée de la détention de leur parent. Il les conduira d’une prison à l’autre lors d’un changement. Parfois, les volontaires feront un trajet « pour rien », pas toujours prévenus à temps d’un changement de lieu, de la maladie de l’un ou de l’autre, d’une interdiction de visite… Ou bien ils seront face à un adolescent qui refuse, au jour prévu, d’aller voir son père. Pas toujours simple d’être volontaire !
Notre interviewée a commencé ce volontariat en apprenant « sur le tas ». « On se rend vite compte qu’il faut un minimum de psychologie, de connaissances des enfants, de discrétion, de tact », explique-t’ elle. Dans ses documents, la Croix-Rouge évoque « des personnes ayant d’excellentes capacités relationnelles, aimant travailler en équipe et capables de gérer les imprévus. L’ouverture d’esprit et le sens de l’écoute sont également essentiels ».
Actuellement, tout nouveau volontaire suit obligatoirement une formation puis participe à minimum une rencontre d’échanges d’expériences par an.

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