L’actualité commentée

Septembre 2023

Certains étrangers analphabètes pourront devenir Belges

Le 22 septembre 2023

La Chambre des représentants peut accorder la nationalité belge à un étranger ; on parle alors de « naturalisation ». Mais il existe un autre chemin pour devenir Belge : la personne intéressée peut faire une « déclaration de nationalité » auprès de l’officier de l’état civil de sa résidence principale, c’est-à-dire, en pratique, à son administration communale.

Mots-clés associés à cet article : Étranger , Non-discrimination , Égalité , Analphabétisme , Intégration , Nationalité

Photo @ PxHere

Cette procédure n’est pas vraiment simple. Plusieurs conditions doivent être réunies et respectées.
Tout d’abord, pour pouvoir faire sa demande, l’étranger doit être en séjour illimité en Belgique et y séjourner légalement depuis cinq ans.

Il faut être « intégré » !

Le demandeur doit ensuite prouver qu’il est « socialement intégré » par exemple parce qu’il a obtenu un diplôme ou suivi un parcours d’intégration. Il doit également fournir la preuve d’une participation économique (soit 468 jours de travail dans les cinq ans avant la demande) et enfin celle d’une connaissance d‘une des trois langues nationales.
Précision concernant cette dernière exigence : il s’agit d’avoir une connaissance écrite et orale de la langue. Par exemple, il faut pouvoir « trouver une information particulière prévisible dans des documents courants comme les petites publicités, les prospectus, les menus et les horaires » ou écrire « une lettre personnelle très simple, par exemple de remerciements ».
Ces exigences semblent tout à fait normales. Cependant, certaines personnes, bien intégrées et parlant couramment le néerlandais, le français ou l’allemand, ne savent ni le lire ni l’écrire. Malgré des formations, des cours d’alphabétisation puis de langue, elles n’y arrivent pas.

Candidats tenaces

Des candidats à la nationalité belge refusés parce qu’ils ne maitrisaient pas suffisamment la langue se sont adressés au Tribunal de première instance de Gand. Celui-ci a interrogé la Cour> constitutionnelle (qui vérifie qu’une loi respecte bien la Constitution) en lui posant une question précise : est-il discriminatoire d’exclure de la nationalité belge des analphabètes ayant la connaissance orale requise mais incapables de maitriser la connaissance écrite requise alors qu’ils ont bien la volonté de s’intégrer ?
À première vue, dit la Cour, la loi étant la même pour tout le monde, on ne peut pas parler de discrimination. Mais si discriminer signifie traiter différemment des personnes dans des situations identiques ou comparables, c’est aussi traiter de la même manière des personnes vivant des situations différentes, sans justification raisonnable.
La Cour constate que la loi traite de la même manière deux groupes différents : ceux qui ne maitrisent pas la lecture et l’écriture et les autres.
Elle estime logique et raisonnable d’exiger une connaissance minimale de la langue, y compris de l’écriture et de la lecture. Cependant, elle constate que l’acquisition des niveaux exigés n’est pas toujours une question de temps et de volonté. Cette situation n’a pas été prise en compte dans l’élaboration des conditions d’accès à la nationalité. Or l’analphabétisme peut résulter d’un développement insuffisant du langage au cours de l’enfance, développement qui entraine des lacunes difficiles voire impossibles à rattraper, même en suivant les formations organisées dans ce but. Il ne s’agit donc pas de mauvaise volonté !
L’exigence de la loi s’avère donc mission impossible. Conclusion : en imposant cette condition identique à deux groupes différents, la loi est bien discriminatoire.
Cela veut dire que le Code de nationalité belge doit être adapté. Il doit permettre aux personnes d’avoir accès à la nationalité quand leur analphabétisme les empêche l’accès à l’écriture malgré le suivi de formations adéquates.

Et maintenant ?

À la suite de la réponse de la Cour constitutionnelle, même avant la modification attendue du Code de la nationalité, le Tribunal de Gand doit examiner et décider, via l’avis éventuel d’experts, si les personnes concernées sont ou non capables d’atteindre le niveau voulu à l’écrit.
À l’avenir, certains analphabètes pourront donc espérer obtenir la nationalité belge mais cela ne sera jamais simple. Ces personnes devront toujours démonter qu’elles possèdent la connaissance orale requise et qu’il leur est impossible d’acquérir la connaissance écrite, malgré leur bonne volonté.

Commentaires

Il n'y a encore aucun commentaire sur cet article. Soyez le premier à réagir!