Depuis quelques mois, des milliers de d’enseignants, de militaires, de journalistes et de magistrats turcs ont été suspendus ou arrêtés suite à la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016.
Mots-clés associés à cet article : Magistrat , Conseil supérieur de la justice , Séparation des pouvoirs , Pouvoir judiciaire , Pouvoir exécutif , Turquie
Ce coup d’État a échoué mais il a été suivi de très nombreuses arrestations arbitraires. Celles-ci et notamment celles des magistrats, posent question : la Turquie est-elle encore un État de droit ?
La magistrature mise au pas
Depuis plusieurs années déjà, le pouvoir turc et le président Erdogan tentent de détruire le pouvoir de la justice.
Ainsi, en 2013, une affaire de corruption conduit à la famille du président. Attaqué, celui-ci se défend en se prétendant victime d’un complot organisé par Fethullah Gülen, son ancien allié devenu son ennemi. Les magistrats indépendants sont considérés comme des « ennemis de l’État ».
En 2014, le pouvoir exécutif, par pression et promesse, prend en quelque sorte le contrôle du Haut conseil des juges et procureurs turcs (ou HSYK, équivalent de notre Conseil supérieur de la justice), compétent pour les nominations de magistrats. Désormais, celles-ci devront donc avoir l’aval de l’État. L’association indépendante de magistrats (YARSAV) est également dissoute.
Le 30 avril 2015, les juges qui avaient libéré des policiers coupables d’avoir un peu trop enquêté au gout du pouvoir en place, sont à leur tour arrêtés.
Au printemps 2016, des dizaines de magistrats étaient révoqués, des centaines suspendus et des milliers déplacés. Le Conseil supérieur annonçait une purge concernant 5000 magistrats sur 15000.
Les arrestations de juillet 2016, après le coup d’État, ont en fait permis au président Erdogan d’accélérer la mise au pas de la justice, qui n’a plus les moyens de faire correctement son travail.
Réactions européennes
Le Parlement européen a condamné « une répression disproportionnée », donc sans rapport avec la réalité. Il a invité la Commission européenne et les États membres à suspendre les négociations en cours au sujet de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Le Réseau européen des Conseils de la justice a suspendu le Conseil supérieur turc.
Le 8 novembre, la Cour européenne des droits de l’homme a rejeté un recours d’un magistrat turc arrêté le 16 juillet parce qu’il n’aurait pas épuisé les recours internes, donc en Turquie. Une décision contestée parce qu’un recours interne, dans le contexte actuel, n’aurait guère de sens !
Pourquoi c’est grave ?
En Turquie actuellement, l’indépendance du pouvoir judiciaire n’existe plus puisqu’il doit être au service du président, du pouvoir exécutif. Il a été « mis au pas », soumis. Or sans séparation des pouvoirs, sans indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis du pouvoir exécutif, il n’y a pas d’État de droit. Sans État de droit, il n’y a pas de démocratie.
Commentaires
Il n'y a encore aucun commentaire sur cet article. Soyez le premier à réagir!