Une personne soumise à une expertise psychiatrique médicolégale dans une affaire pénale « peut, à tout moment, se faire assister par une personne de confiance ou par un avocat ». La loi du 5 mai 2014 concernant l’internement prévoit donc bien la présence d’un avocat à côté de la personne concernée.
Les médecins ne sont pas d’accord.
Mots-clés associés à cet article : Avocat , Internement , Expertise psychiatrique , Ordre des médecins , Ordre des avocats , Médecin , Expertise
Quels sont les arguments des uns et des autres ?
La prison ou l’internement ?
Au lieu d’être jugée coupable et emprisonnée, une personne peut être internée parce qu’elle est considérée comme non responsable de ses actes. Auparavant, cet homme, par exemple accusé d’un crime, aura été examiné par un expert psychiatrique médicolégal. Celui-ci aura établi un diagnostic sur sa santé mentale et estimé qu’il n’était pas responsable des faits commis.
À l’avenir, la présence d’un avocat sera obligatoire lors de cette expertise, ce que contestent les médecins.
« Non », disent les médecins
Les médecins estiment que la présence d’un avocat lors de l’expertise psychiatrique fait ressembler celle-ci à un interrogatoire de police (où la présence de l’avocat est obligatoire). Or, ces deux « rencontres » ont des objectifs très différents.
L’interrogatoire de police veut découvrir la vérité tandis que l’expertise psychiatrique doit mener à un avis psychiatrique « impartial, indépendant et motivé, établi par un expert ».
Lors de cette expertise, le médecin va s’intéresser à l’enfance et à la famille du prévenu. Il va étudier comment celui-ci a grandi, évolué et comment il se situe par rapport aux faits qui lui sont reprochés, comment il en parle, comment il les vit. Pour établir son diagnostic, l’expert tiendra compte de ce que cette personne dit mais aussi des émotions et sentiments qu’elle manifeste ou non, de ses manières de s’exprimer et de se comporter. Le psychiatre souhaite établir un dialogue le plus libre possible avec le prévenu. Ceci dit, ce dernier choisit ce qu’il dit ou tait au psychiatre.
Le but de l’avocat est tout autre, disent les médecins : un avocat tient compte de l’intérêt de son client. Il ne doit donc pas faire preuve d’impartialité. Par sa présence et ses interventions, il peut perturber ou brouiller la relation entre le médecin et le prévenu. Il pourrait, par exemple, inviter le prévenu à ne pas parler de telle ou telle manière parce qu’il craindrait que cela se retourne ensuite contre lui.
Toujours selon les médecins, des discussions juridiques pourraient aussi avoir lieu alors que le psychiatre n’a pas de compétence à ce sujet et qu’elles ne sont pas l’objectif des entretiens.
Par contre, l’Ordre des médecins estime que l’avocat peut être présent au début de l’expertise pour des informations administratives (par exemple parcourir le casier judiciaire).
L’Ordre des médecins a demandé un entretien à la ministre des Affaire sociales et de la Santé publique pour expliquer son point de vue.
« Oui », disent les avocats
Avocats.be (ainsi appelle-t-on l’Ordre des barreaux donc des avocats) a écrit à l’Ordre des médecins et à la Ministre des Affaires sociales et de la Santé pour lui communiquer un avis totalement différent.
Avocats.be le souligne d’emblée : l’avis de l’expert « est déterminant lors d’une information ou d’une instruction judiciaires pouvant mener ou non à une mesure d’internement ». La présence et l’assistance d’un avocat est donc importante parce qu’elle permet de surveiller la procédure et le respect des droits de la défense.
Par exemple, disent les avocats, un expert psychiatre reproduit très souvent dans son rapport des paroles extraites des entretiens avec les prévenus rencontrés « en mettant entre guillemets et en italiques les propos qu’il a plus ou moins bien notés ou dont il se souvient, notamment en prison où aucun enregistreur ne peut être introduit ». À la différence des procès-verbaux, ces paroles n’ont pas été relues par les personnes concernées, elles ne sont pas signées. Or, un juge pourrait éventuellement les prendre comme des aveux ou des reconnaissances de faits, obtenus hors de la présence d’un avocat. Ce qui n’est pas conforme aux règles actuelles.
Une autre raison justifie la présence de l’avocat : le prévenu peut avoir besoin d’être soutenu par son avocat. Il peut chercher ses mots, ne pas être très clair et l’avocat peut l’aider à prendre le temps de bien s’expliquer.
Enfin, les avocats estiment que « certains experts psychiatres mélangent parfois examen mental et recherche de culpabilité ». Ou bien, après avoir lu le dossier de la personne concernée, ils la considèrent comme coupable et tout ce qu’elle peut dire devient une preuve qu’elle refuse de prendre ses responsabilités, qu’elle n’a pas de remords ni d’empathie pour les victimes…
Dernier argument des avocats : selon une directive européenne, la présence d’un avocat est requise dans le cadre d’une procédure pénale. Pour Avocats.be, l’expertise psychiatrique médicolégale est bien une « mesure d’enquête » menée lors d’une procédure pénale. Donc l’avocat doit obligatoirement être présent.
La Ministre de la Santé et son cabinet vont devoir trancher le différend.
Sources : www.avocats.be et www.ordomedic.be
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