L’actualité commentée

Août 2020

Selon la Cour européenne des droits de l’homme, les parlementaires ne peuvent juger eux-mêmes s’ils ont été correctement élus

Le 27 août 2020

En Belgique, lors d’élections fédérales ou régionales, ce sont les élus eux-mêmes – donc les députés, les parlementaires - qui en contrôlent, à posteriori, le bon déroulement.

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Se contrôler soi-même ?

La Constitution belge l’a voulu ainsi pour préserver la séparation des pouvoirs, pour que le pouvoir judiciaire ne se mêle pas au pouvoir législatif. En effet, dans une démocratie, ces pouvoirs doivent être en principe distincts et séparés.
Concrètement, cela signifie que ce sont les nouveaux élus qui examinent, par exemple, le cas d’un candidat non-élu qui manifeste son désaccord et estime qu’il y a eu un problème lors du comptage des bulletins de vote. Le parlement est donc juge et partie.
D’autre part, si ce candidat non-élu obtenait gain de cause, s’il s’avérait, par exemple, qu’il avait bien obtenu les voix nécessaires pour être élu, ce non-élu prendrait alors la place d’un élu. Autrement dit, les nouveaux députés doivent trancher un litige qui peut amener à leur propre éjection du parlement. Or l’éjection d’un député peut avoir des conséquences pour lui mais aussi pour son parti et même pour la constitution du parlement en cause.

Recompter les voix ?

Lors des élections régionales wallonnes de mai 2014, Germain Mugemangango était candidat du PTB. Il lui a manqué quelques voix pour être élu et il a mis en doute la régularité du scrutin. Il a demandé à ce que les voix soient recomptées, ce qu’a refusé le Parlement wallon.
Six ans plus tard, le 10 juillet 2020, la Cour> européenne des droits de l’homme a estimé qu’en refusant le recomptage des voix, le parlement belge avait violé deux droits fondamentaux : le droit à des élections libres et le droit à un recours effectif. Ces deux droits sont affirmés par la Convention européenne des droits de l’homme.
La Cour reconnait l’utilité de protéger l’autonomie du parlement mais, en même temps, elle estime que celui-ci ne présente pas les garanties suffisantes d’impartialité et ne peut pas protéger une personne d’une décision partisane.
Elle considère que les règles concernant le pouvoir du parlement ne sont pas suffisamment précises pour éviter des abus. Elle estime encore que le droit belge n’a pas prévu les garanties nécessaires pour que des décisions équitables soient prises. Pour la Cour européenne des droits de l’homme, Germain Mugemangango n’a donc pas pu bénéficier d’une décision équitable pendant la procédure qui a suivi sa demande de recomptage des voix.

Quid à l’avenir ?

La Cour condamne donc la Belgique et l’oblige à modifier les règles existantes, sans toutefois lui imposer une manière de faire particulière.
La Cour a condamné la Belgique à verser 2.000 euros de dommage moral et près de 13.000 euros pour frais et dépens à Germain Mugemangango.

Sources : Frédéric Bouhon : « Les élus qui tranchent les recours des candidats déçus : un système doublement condamné à Strasbourg ». Justice-en-Ligne, 23 juillet.
Belga, 10 juillet 2020.

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