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Février 2022

La Pologne ne reconnait plus le droit européen

Le 18 février 2022

Le 1er mai 2004, la Pologne est entrée dans l’Union européenne. Celle-ci repose sur les fondements, les bases, de l’État de droit.

Photo @ PxHere

L’État de droit, c’est un État

  • où les responsables politiques sont issus d’élections libres ;
  • où les pouvoirs (judiciaire, exécutif, législatif) sont indépendants l’un de l’autre ;
  • où tous, individus et personnes morales, sont égaux devant les règles de droit ;
  • où l’État lui-même respecte les règles de droit ;
  • où les gouvernants sont responsables de leurs actes.
    Un État de droit est la principale caractéristique d’un pays démocratique.
    En adhérant à l’Union européenne, la Pologne doit donc être un État de droit.

Un lourd contentieux

Depuis 2015 et l’arrivée au pouvoir du parti « Droit et justice » (PiS) en Pologne, les relations entre celle-ci et l’Union européenne sont problématiques. Des juges ont été nommés par le gouvernement parce qu’ils sont proches du pouvoir, ce qui contredit l’indépendance de la justice vis-à-vis du pouvoir exécutif. D’autres ont été écartés. Autre sujet polémique : certaines régions polonaises avaient instauré des zones sans idéologie LGBT avant de faire marche arrière sous pression de l’Union européenne. Des menaces pèsent aussi sur la liberté de la presse et le droit à l’avortement. Ce non-respect de la justice et ces menaces sur des libertés fondamentales portent atteinte à l’État de droit. Pour faire respecter celui-ci, l’Union a donc réagi à de multiples reprises, elle a menacé la Pologne de sanctions, sans que ce pays change les décisions contestées.

Contre le droit européen !

Au contraire, au lieu d’obéir aux règles de l’Union européenne, le Tribunal constitutionnel polonais a décidé, le 7 octobre 2021, que certains articles du traité de l’Union européenne étaient incompatibles avec la Constitution polonaise. Il a estimé qu’en se pliant au droit européen, la Pologne « ne peut fonctionner comme un État souverain et démocratique ». Elle ne reconnait donc plus la supériorité du droit européen sur les droits nationaux.
Or, en adhérant à l’Union européenne, en signant les traités de l’Union, l’État polonais s’est engagé à respecter les traités et tout le droit européen. Il a donc reconnu que le droit européen est supérieur au droit national, c’est une exigence reconnue par tous les pays membres. Autrement dit, par exemple, les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne ou de la Cour européenne des droits de l’Homme sont plus importantes que celles des tribunaux et cours polonais, belges, français ou autres. Ces décisions européennes peuvent également contredire les décisions nationales.

Que peut faire l’Europe ?

Quand un des pays membres ne respecte pas le droit européen, que peut faire l’Union européenne ? Elle peut d’abord mener de multiples discussions et rencontres diplomatiques dans l’espoir d’obtenir les changements nécessaires. Ce qu’elle a effectivement fait. Elle peut menacer de sanctions. Et actuellement, à la suite de la pandémie Covid, un plan de relance financier européen devrait octroyer 36 milliards d’euros à la Pologne. L’Union européenne possède donc un important moyen de pression.
Et peut aussi agir par la procédure judiciaire. Elle peut procéder à un « recours en manquement », c’est-à-dire faire contrôler le respect par les États membres des obligations qui leur incombent en vertu du droit européen devant la Cour de justice de l’Union européenne. Elle peut infliger des amendes, qui peuvent être très lourdes

La Cour de justice intervient

Dans le cadre d’une réforme de la justice, la Pologne a notamment créé une chambre disciplinaire, chargée de superviser les juges. Elle a également interdit aux juges de contester la situation résultant de ces nominations en violation du droit européen et d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne à ce sujet. Les juges violant ces interdictions peuvent même subir des sanctions disciplinaires. La chambre disciplinaire dont il est question ci-dessus peut lever leur immunité, les poursuivre pénalement et même réduire leur salaire.
La Cour de justice, en juillet 2021, avait estimé que cette chambre n’offrait pas les garanties d’indépendance et d’impartialité nécessaires et qu’elle pourrait être influencée par les pouvoirs législatif et exécutif.
Elle avait ordonné à la Pologne de faire cesser immédiatement ces atteintes au droit européen. La Pologne n’a pas obéi. Le 27 octobre 2021, la Cour de justice de l’Union européenne a alors condamné ce pays à une astreinte d’un million d’euros par jour jusqu’à la suppression de la chambre disciplinaire de la Cour suprême.

Aujourd’hui ?

Après cette décision judiciaire, qui doit être respectée, retour aux discussions
Le plan de relance post-Covid, qui envisageait de verser 36 milliards d’euros à la Pologne est actuellement gelé par l’Union européenne. Elle veut d’abord obtenir des garanties sur l’indépendance de la justice polonaise.

De son côté, la Pologne assure qu’elle veut rester membre de l’UE et estime que cette dernière fait du chantage.

Ce litige entre la Pologne et l’Union européenne a été porté devant la Cour de justice de l’Union européenne. Celle-ci doit se prononcer dans les prochains jours et répondre à la question de savoir si l’argent de la relance économique venant de l’Union au profit de la Pologne pourrait lui être versé si elle ne respecte pas les principes de l’État de droit. La Hongrie est également concernée, qui s’oppose aussi à l’Union européenne sur ces questions.
Questions-Justice y reviendra.

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