Depuis plusieurs années, Delphine Boël veut faire reconnaitre qu’elle est la fille du Roi Albert II. Selon la loi, elle est la fille du mari de sa mère au moment de sa naissance, Jacques Boël.
Mots-clés associés à cet article : Paternité , Tribunal de la famille et de la jeunesse , Possession d’état , Filiation , Question préjudicielle , Paix des familles , Père
Toute personne voulant faire reconnaitre un père biologique doit successivement mener deux démarches :
- introduire une première demande de contestation de paternité du père légal ; il s’agit de reconnaitre que ce dernier n’est pas le père biologique ;
- introduire une deuxième demande de reconnaissance du père biologique.
Deux conditions étaient à respecter
La paternité du père biologique peut, selon la loi belge, être contestée si deux conditions sont rencontrées :
- le père légal n’a jamais traité l’enfant comme le sien et celui-ci ne l’a jamais considéré comme son père : ce père ne conduisait pas l’enfant à l’école, il n’allait pas aux réunions de parents, il ne partageait pas de loisir avec lui, il ne fêtait pas son anniversaire, etc. La loi dit alors que l’enfant n’a pas la « possession d’état » ;
- la demande de contestation doit être faite dans l’année de la découverte du fait que le mari de la mère n’est pas le père biologique ou entre les 12 et les 22 ans de l’enfant.
La Cour constitutionnelle atténue ces conditions
Mais en 2011, la Cour constitutionnelle – donc la juridiction qui vérifie si les lois respectent bien la Constitution - a considéré que la loi pouvait être appliquée de manière moins stricte. En effet, bien que les deux conditions nécessaires ne sont pas réunies, il peut être dans l’intérêt de l’enfant de contester la paternité de son père légal. C’est pourquoi la Cour admet aussi une contestation de paternité dans deux autres situations :
- soit possession d’état mais alors respect des délais ;
- soit pas de possession d’état et pas de respect des délais.
Une question préjudicielle
La Cour constitutionnelle avait toutefois laissé une situation de côté : il peut y avoir possession d’état et non respect des délais. Cette situation est celle de Delphine Boël : elle a la possession d’état et sa demande de contestation de paternité a été faite hors des délais légaux.
Avant de juger sa demande de contestation de paternité, le tribunal de la famille a donc préféré poser une question à la Cour constitutionnelle : « Un enfant ayant considéré le mari de sa mère comme son père (donc ayant la possession d’état) peut-il contester la paternité de ce père légal en dehors des délais ? ».
En février 2016, la Cour constitutionnelle a répondu affirmativement : oui, un enfant peut contester la paternité de son père légal même s’il a la possession d’état et même s’il a plus de 22 ans et est donc hors des délais. Comme la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour constitutionnelle a jugé que chacun a le droit de connaitre son identité, sa filiation et ce, quel que soit son âge. Imposer un délai, même lorsqu’il y a clairement possession d’état, est donc anticonstitutionnel.
Un droit supérieur à un autre
Le passé permet de comprendre la présence de ce délai prévu par la loi : il existait parce que la justice doit travailler à maintenir « la paix des familles » et la « sécurité juridique des liens familiaux ». On estimait alors que la stabilité du lien familial était très importante pour l’ordre de la société. Comme la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour constitutionnelle déclare maintenant ce droit moins important que le droit de l’individu à connaitre ses ancêtres, ses antécédents.
Le tribunal de la famille peut donc juger la demande de contestation de paternité introduite par Delphine Boël. Ensuite seulement, celle-ci pourrait introduire une demande de reconnaissance de paternité d’Albert II.
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