La France pouvait-elle expulser une personne réfugiée après une condamnation pour faits de terrorisme ? Voilà la question posée à la Cour européenne des droits de l’Homme par K.I. et jugée par cette juridiction le 15 avril dernier.
Mots-clés associés à cet article : Étranger , Asile , Réfugié , Terrorisme , Traitement inhumain et dégradant , Droit à la vie , Expulsion
Quelle est l’histoire de cette personne ?
K.I. est russe, d’origine tchétchène. Il arrive en France en 2011. Il est mineur et obtient le statut de réfugié.
Quelques années plus tard, il séjourne en Syrie ; à la suite de ce séjour, il est considéré comme terroriste par la France et son statut de réfugié est annulé. Il doit être expulsé vers la Russie. Il s’oppose d’abord à cette expulsion devant les juridictions françaises, qui lui donnent tort. Il se tourne alors vers la Cour européenne des droits de l’Homme, estimant que son droit à la vie et son droit à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants est bafoué. Or ces droits sont présents dans la Convention européenne des droits de l’Homme.
La Convention permet une exclusion si…
La Convention a bien prévu une possibilité d’exclure un réfugié mais des personnes ne peuvent perdre leur statut de réfugié que s’il existe « des raisons précises de penser qu’elles ont commis, dans leur pays d’origine, soit un crime grave de droit commun, soit un crime contre l’humanité ou des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies ».
K.I. a bien été condamné, mais c’est en France alors qu’il y vit comme réfugié.
La Convention permet aussi à un pays d’accueil d’expulser un réfugié dont on a « des raisons sérieuses de le considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays ».
Donc, la France serait autorisée à refouler K.I.
Il reste une question, et pas des moindres
Une dernière question reste en suspens : l’éloignement de K.I. en Russie est-il conforme aux droits fondamentaux protégés par la Convention européenne des droits de l’Homme ?
Selon un précédent arrêt de la Cour, pour que l’éloignement forcé d’une personne menaçant la sécurité d’un État soit possible et autorisé par la Convention, il faut que cette personne ne risque pas de traitements inhumains ou dégradants dans le pays où elle est renvoyée (article 3). En effet, la protection de la Convention est absolue contre des traitements inhumains ou dégradants.
Or, même si K.I. perd son statut de réfugié, il reste quelqu’un qui a fui son pays par crainte d’être persécuté.
Avant d’expulser une personne réfugiée, les autorités sont obligées de vérifier si ces craintes de persécution qui lui ont valu le statut de réfugié sont encore réelles et donc interdisent son rapatriement.
La France n’a pas évalué ces risques donc elle ne respecte pas cet article 3.
Elle ne pourrait éventuellement renvoyer K.I. en Russie qu’après avoir vérifié qu’il n’y risque pas de subir des traitements inhumains et dégradants.
Conséquence : Un réfugié condamné pour faits de terrorisme peut donc ne pas être expulsable. Il risque alors de continuer à vivre, sans statut, dans le pays d’accueil, uniquement toléré par celui-ci. On peut en conclure, d’une part, que la sécurité nationale qui justifiait son éloignement ne sera pas garantie et, d’autre part, que cette personne ne se réintégrera pas facilement dans la société.
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