L’actualité commentée

Février 2023

Les juges et l’État de droit

Le 10 février 2023

Quand un gouvernement limite l’indépendance des juges, comme en Pologne ;
Quand un gouvernement limite le pouvoir de la justice à le contrôler, comme en Hongrie ;
Quand un gouvernement ne reconnait plus les jugements des cours européennes,
On peut dire que l’État de droit est menacé.

Pourquoi ? Parce que le pouvoir exécutif (le gouvernement) intervient dans le pouvoir judiciaire alors que, dans un État de droit, les trois pouvoirs (judiciaire, exécutif, législatif) doivent être indépendants. Cette séparation des pouvoirs est une caractéristique d’un État de droit. Il en existe d’autres.

Dans un État de droit

Un pays démocratique doit nécessairement être un État de droit. Dans un État de droit :

  • les responsables politiques sont issus d’élections libres ;
  • les pouvoirs (judiciaire, exécutif, législatif) sont indépendants l’un de l’autre ;
  • tous, individus et personnes morales (comme par exemple les associations ou les sociétés), sont égaux devant les règles de droit ;
  • l’État lui-même respecte les règles de droit ;
  • parmi ces règles de droit à respecter par l’État, et même à garantir par celui-ci, il y a bien entendu les libertés fondamentales, appelés aussi les droits humains ;
  • les gouvernants sont responsables de leurs actes.
    Un État de droit est la principale caractéristique d’un pays démocratique.

Un pilier de l’État de droit

La justice est un des piliers d’un État de droit. Elle doit s’assurer, vérifier, que les lois sont respectées. Elle le fait à l’occasion des procès, par des jugements, condamnant au besoin des personnes qui ne les respectent pas. Il peut s’agir de citoyens, mais aussi d’institutions de l’État (comme un ministre par exemple en tant qu’il agit au nom de l’État), qui peuvent être condamnées parce qu’elles même ne respectent pas les règles édictées par cet État.
Mais la justice veille également à ce que les lois elles-mêmes respectent cet État de droit, qui exige, par exemple, que tous les citoyens soient et restent égaux devant le droit et que les libertés publiques soient garanties. C’est le rôle, en Belgique, de la Cour constitutionnelle. Un exemple : lorsqu’une nouvelle loi, en 2014, a permis qu’un nouveau-né porte le nom de ses deux parents mais qu’en cas d’absence de choix ou de conflit entre eux sur ce choix, c’est le nom du père qui sera donné à l’enfant, la Cour constitutionnelle a dit non : cette loi ne respectait en effet pas l’égalité entre le père et la mère.
Les gouvernements ont de multiples préoccupations de tous ordres, ils doivent tenir compte de santé, d’éducation, de sécurité, de croissance ; ils ne se soucient pas seulement de plus de liberté et d’égalité. Il peut donc involontairement arriver qu’une loi, lorsqu’elle serait appliquée, ne respecte pas les libertés ou discrimine certaines personnes. C’est alors le rôle du juge constitutionnel de censurer cette loi en l’annulant ou en la déclarant inconstitutionnelle.
Par contre, quand un gouvernement autoritaire est au pouvoir, il peut volontairement prendre des décisions qui ne respectent pas la séparation des pouvoirs. Il nomme des juges proches du pouvoir en Pologne ou il supprime certains droits aux homosexuels, comme en Hongrie. Après la Cour constitutionnelle de ces pays, c’est alors aux juges européens (Cour européenne des droits de l’homme ou Cour de justice de l’Union européenne) de faire obstacle à ce non-respect d’un État de droit puisque ces pays font partie de l’Union européenne.

Gouvernement des juges ?

On entend parfois dire que les juges prennent la place des gouvernements, qu’il existerait alors un « gouvernement des juges ». Questions-Justice a déjà évoqué cette notion dans une vidéo (« La Cour constitutionnelle, un gouvernement des juges ? » et dans un article (« Existe-t-il un gouvernement des juges ? »). Les juges gouverneraient le pays alors qu’ils ne sont pas élus par le peuple.
En réalité, les juges ne gouvernent pas, ils ne créent pas de loi. Ils contrôlent les lois, les règles, par rapport à une règle supérieure (par exemple, comme rappelé plus haut, la loi de 2014 concernant les noms de famille, par rapport à l’égalité homme-femme). Ils ne prennent donc pas le pouvoir du gouvernement (pouvoir exécutif) ou celui du parlement (pouvoir législatif). Ils respectent bien la séparation des pouvoirs, indispensable dans un État de droit.

Source : Une opinion de Jean De Munck – La libre 27/1/2023.

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