Monsieur X, étudiant, occupe un logement avec Monsieur Y, un autre étudiant, dans la commune de Soignies. Le 1er septembre 2023, il a demandé le revenu d’intégration sociale (en abrégé le RIS) au CPAS de sa commune en tant qu’isolé. Le CPAS a refusé, disant qu’il n’était pas isolé mais bien cohabitant, ce qui a pour effet de réduire le montant de son RIS. Monsieur X considère qu’il est colocataire, et non cohabitant.
RIS, isolé, CPAS, cohabitant, colocataire, que signifient ces mots ? Décodons !
Questions-Justice a abordé une problématique analogue dans un article publié en 2018, mais dans le cadre cette fois du statut des chômeurs.
Mots-clés associés à cet article : Colocataire(s) , Cohabitant(s) , Centre public d’aide sociale (CPAS) , Aide sociale , Isolé , Revenu d’Intégration sociale (RIS)
Le CPAS doit, à certaines conditions, octroyer ce revenu d’intégration sociale (RIS), autrement dit une certaine somme d’argent pour vivre. Il faut principalement résider en Belgique, être majeur et ne pas avoir de ressources suffisantes ni de possibilité d’en trouver.
Le montant du RIS varie en fonction de la catégorie du demandeur : ou bien il est isolé, ou il cohabite avec une ou plusieurs autres personnes, ou encore il vit avec une famille à sa charge.
Colocataire ou cohabitant ?
Deux personnes cohabitent lorsqu’elles vivent dans le même logement en partageant la vie de tous les jours. Ainsi, elles règlent ensemble tout ce qui touche à la vie quotidienne : les courses, la cuisine, l’entretien, la lessive et encore l’aménagement. Elles peuvent mettre en commun leurs ressources financières et partager certains frais. Financièrement, cette cohabitation est un avantage parce qu’elle leur coûte moins cher que de vivre seuls.
Par contre, deux ou plusieurs personnes sont colocataires lorsqu’elles partagent un même logement, mais ne s’organisent pas pour les questions quotidiennes. On peut alors dire qu’elles vivent chacune de leur côté.
Le CPAS refuse
Lors de sa demande de RIS, Monsieur X a dit qu’il vivait en colocation. Il a expliqué qu’il ne partageait pas ses ressources avec l’autre étudiant même s’ils payaient tous deux le loyer. Ils n’avaient pas de compte commun, faisaient séparément leurs courses et leurs repas. Ils avaient chacun leur chambre et leur salle de bain, même s’il n’y avait qu’un seul compteur électrique. Chacun avait ses amis et ses activités.
Pas d’accord, le CPAS avait considéré que Mr X n’était pas un colocataire mais bien un cohabitant. Il avait donc refusé d’octroyer le RIS au taux isolé et payé à Monsieur X le taux cohabitant de 593,38 € par mois à partir du 1er septembre 2023. Le taux isolé était à cette date de 1314,20 € par mois.
Monsieur X s’est alors adressé au Tribunal du travail du Hainaut. En effet, c’est celui-ci qui est compétent pour juger des contestations concernant l’octroi du RIS.
Précision utile : c’est au demandeur à prouver qu’il est isolé et au CPAS à prouver que ce n’est pas le cas.
Chacun ses arguments
Selon Mr X, il il doit être considéré comme isolé et non cohabitant parce que :
– il n’y a pas de ménage ni partage des ressources ;
– chacun trace sa vie comme il l’entend ;
– il n’y a pas d’achats, de cuisine ou de repas ou encore de lessive en commun ;
– chacun a sa chambre et ses relations ;
– chacun a son espace de rangement, même pour les aliments ;
– les extraits de compte montrent bien que chacun s’organise séparément ;
– il y a deux chambres, deux WC et deux salles de bain.
Selon le CPAS, il s’agit d’une cohabitation parce que :
– les deux étudiants ont signé un bail de neuf ans ;
– le logement a des pièces communes ;
– il n’y a qu’une seule sonnette ;
– le loyer est unique ;
– les charges locatives sont partagées.
Le tribunal a tranché
Selon le Tribunal du travail, Monsieur X a bien apporté la preuve du paiement mensuel de sa part de loyer et de charges, mais aussi de ses frais alimentaires. Ses extraits de compte en témoignent. Il n’y a pas eu de mise en commun à propos des tâches ménagères ni d’avantage économique.
Quant aux dires du CPAS, le tribunal avance les arguments suivants :
– un bail peut être résilié anticipativement les neuf ans ;
– les pièces communes sont inhérentes à la signature d’un bail à plusieurs pour un unique logement ;
– la sonnette est unique parce qu’il y a une seule entrée ;
– le partage des charges est logique.
Donc, a conclu le Tribunal le 18 avril 2024, Mr X a démontré qu’il était bien un isolé et non un cohabitant.
Le CPAS doit donc le considérer comme un colocataire ayant droit au revenu d’intégration en tant qu’isolé depuis le 1er septembre 2023.
