Un voleur ne sera pas jugé…

4 décembre 2024

Ce 31 octobre 2024, une juge du Tribunal correctionnel de Bruxelles n’a pas pu juger un homme accusé de trois vols différents. Le 7 mars 2024, cet homme a volé une trottinette ; le 2 juillet 2024, il a volé des vêtements à l’Innovation pour un total de 629,70 € ; le 13 juillet, il s’est approprié un sac à dos et son contenu.
Le 17 juillet 2024, un mandat d’arrêt lui a été décerné par le juge d’instruction ; il est donc en prison pour ces trois vols.
Que s’est-il passé ensuite ?

Trois audiences

Une première audience avait été programmée le 19 septembre 2024, mais le prévenu ne sera pas présent : le service de la police fédérale chargé du transfert des détenus n’avait pas eu les moyens (par exemple le personnel) nécessaires pour le conduire de la prison au tribunal.
Une deuxième audience est alors programmée pour le 3 octobre 2024. Le parquet a clairement précisé au service de police : « Le détenu qui se trouve à la prison de Malines doit absolument être extrait pour l’audience du 3/10 […]. Une fois de plus, il ne peut être question de pénurie de personnel. Cette affaire a été reportée pour que le prévenu puisse y assister ». La prison de Malines a accusé réception de ce message.
De nouveau, le prévenu n’a pas été conduit au tribunal.
Une troisième audience est alors prévue le 17 octobre 2024. Une fois encore, le prévenu ne sera pas conduit au tribunal malgré la demande faite par le parquet. De nouveau, le service de police dit ne pas pouvoir effectuer ce trajet.

Des « poursuites irrecevables » ?

Étant donné ces trois absences du prévenu, la question s’est posée de savoir si les poursuites pénales dont celui-ci faisait l’objet pouvaient encore être considérées comme régulières. Poursuivre ou lancer des poursuites signifie rechercher l’existence des infractions pénales et les personnes suspectées de les avoir commises, pour ensuite les convoquer devant le tribunal si cela se justifie.
Autrement dit, le procès pouvait-il encore avoir lieu ?

Des droits non respectés

Pour la juge, juger cet homme alors qu’il n’a pas la possibilité d’être présent équivaut à violer son droit à se défendre et son droit à un procès équitable.
Ces droits sont pourtant clairement définis, par exemple dans la Convention européenne des droits de l’homme : tout prévenu a le droit de pouvoir assister aux débats et de s’expliquer au sujet de ce qui lui est reproché.
La Cour européenne des droits de l’homme, à son tour, insiste : « Le droit d’être présent à l’audience, particulièrement lorsqu’il y a jugement d’un délit, est essentiel pour qu’un procès soit équitable ».
Étant donné l’impossibilité pour le prévenu d’être présent à ces trois audiences, le tribunal a constaté que le droit à comparaître en personne lui est manifestement refusé. Il lui est refusé pour des motifs extérieurs à sa volonté puisque ces motifs sont dus à l’organisation du service de police chargé des transferts de détenus. Cela ne peut justifier que ses droits – à se défendre et à un procès équitable – ne soient pas respectés.
Le tribunal en a conclu que les poursuites à l’encontre du prévenu étaient irrecevables dans ces conditions. Cela veut dire que cet homme ne pouvait plus « être poursuivi ».
Le tribunal ne peut donc plus s’occuper de cette affaire et ne pourra pas dire si oui ou non les faits reprochés se sont bien produits et s’il s’agit bien d’une infraction pénale. En conclusion, il n’y a pas de condamnation possible. Cet homme ne sera pas puni pour les vols qu’il a commis.
Ce jugement montre que, lorsque les services de l’État ne permettent pas de rendre la justice de manière équitable, cela ne reste pas sans conséquences : l’irrecevabilité des poursuites qui en résulte garantit à ceux qui sont accusés devant un juge le respect de leur droit à un procès équitable.

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