Depuis 1994, il existe, en Belgique, une alternative à un procès devant le tribunal correctionnel ou une autre juridiction pénale. Un procureur du Roi peut décider de proposer un autre mode de réponse de la société aux infractions pénales, appelé « médiation pénale ». Celle-ci concerne à la fois l’auteur d’une infraction et sa victime.
Une loi du 18 mars 2018 fait évoluer la « médiation pénale ». Désormais, les professionnels parleront de « procédure médiation et mesure », même si cette appellation ne figure pas dans la loi.
Mots-clés associés à cet article : Assistant de justice , Médiation , Maison de justice , Procédure médiation et mesures
Cette procédure peut ne concerner que l’auteur des faits, soit parce qu’il n’y a pas de victime, soit parce que celle-ci ne le souhaite pas. Cela peut être le cas, par exemple, pour certaines infractions pénales comme la culture de cannabis ou le trafic de drogues. C’est d’ailleurs pour cela que l’on ne parle plus uniquement de « médiation pénale » mais plus largement de « médiation et mesures ».
Lorsque la loi parle de mesures, il s’agit ici des décisions qui seront prises, à la fois pour réparer le tort commis, pour punir l’auteur des faits et pour éviter toute récidive.
Quand ? Pour qui ?
Une médiation pénale ne peut avoir lieu que si certains critères sont réunis :
- le suspect doit être majeur ;
- il doit être en aveu, s’être reconnu coupable des faits dont il est accusé ;
la peine à laquelle il pourrait être condamné lors d’un procès doit être inférieure à deux ans ; - il doit avoir un domicile connu ;
- il doit accepter certaines conditions : s’engager à réparer le dommage subi, suivre éventuellement une thérapie, un traitement médical ou encore une formation ; autre éventualité : prester un certain nombre d’heures de travail d’intérêt général(ces critères étant respectés, « tous les types d’infractions peuvent être traités par cette procédure », explique Hélène Walckiers, substitut du procureur du Roi à Mons, en charge des dossiers de médiation, et elle énumère : « Nous avons des vols dans des magasins, chez des voisins ou encore des vols domestiques comme celui d’un employé au préjudice de son employeur. Nous avons beaucoup de dossiers de coups et blessures, à l’occasion d’un accident de roulage, d’un conflit de voisinage ou au niveau familial comme lors de violences conjugales ; précision importante : dans ce dernier cas, il y a bien sur un critère de gravité des faits mais une médiation serait inadéquate, voire lèserait la victime dans un couple où existe une relation de domination »).
Il peut y avoir aussi des faits de non présentation d’enfant suite à un jugement de garde d’enfants, des faits d’abandon de famille en cas de non paiement de la pension alimentaire. Ou encore des faits d’escroquerie, de consommation de stupéfiants ou de culture de cannabis... Pour ces derniers, comme la loi de 2018 le permet, la procédure peut être limitée à prendre des décisions pour un auteur, sans qu’il y ait de victimes identifiées ».
Comment ça se passe ?
Le procureur du Roi saisit la Maison de justice, autrement dit, il lui demande de mener à bien cette « procédure médiation et mesure ». Il propose différentes mesures pour l’auteur des faits : formation, par exemple à la suite de faits de violence ou de roulage, travail d’intérêt général ou traitement médical ou thérapie en cas d’alcoolisme, de consommation de drogue.
L’assistant de justice, au sein de la Maison de Justice, va prendre contact avec l’auteur et avec la victime et s’entretenir avec eux. Idéalement, il essaie de les réunir.
Plus souvent, l’assistant de justice va rencontrer la victime. Il lui propose de rencontrer l’auteur mais les victimes sont rarement demandeuses, explique Hélène Walckiers, qui continue : « La victime va elle-même expliquer ce qu’elle a vécu, comment elle voit les choses et proposer l’une ou l’autre manière de réparer le dommage subi. La plus évidente, ce sera une indemnisation mais cela peut-être aussi une scie sauteuse volée par un employé rendue à son patron, des lettres d’excuses, un nouveau modus vivendi en cas de conflit de voisinage ou de non-présentation d’enfant. La plupart du temps, ce sera également un engagement à ne pas récidiver. La victime peut aussi donner son avis par rapport aux mesures à envisager ». L’assistant de justice propose de rencontrer l’auteur mais les victimes sont rarement demandeuses.
Cet assistant de justice rencontre ensuite l’auteur des faits. Il le questionne sur la réparation envisagée et examine avec lui les mesures demandées par le procureur du Roi.
Celles-ci peuvent être cumulées mais aussi modifiées, en concertation avec le magistrat chargé du dossier.
Lorsque auteur et victime sont d’accord sur le principe de la réparation et sur les mesures proposées, deux conventions sont rédigées, l’une concernant la médiation, l’autre au sujet des mesures décidées.
Ces conventions sont envoyées par la Maison de justice au procureur du Roi. Elles précisent la réparation décidée (à faire dans un délai précis) et reprennent les mesures demandées par le procureur du Roi :
- éventuellement un traitement ou une thérapie médicale si l’auteur est malade ou sous assuétude (traitement d’un an maximum) ;
- éventuellement un maximum de 120 heures de travail, en un an ;
- éventuellement une formation, généralement de maximum 50 heures, en un an.
Elles seront signées par la victime, l’auteur des faits et le procureur du Roi.
Autre pratique possible : une audience peut avoir lieu devant le procureur du Roi en charge de la médiation. L’auteur y est obligatoirement présent tandis que la victime peut se faire représenter par son avocat. Si elle est présente, ce peut être la première fois qu’elle rencontre l’auteur des faits.
« Dans la majorité des cas, dit Hélène Walckiers, je maintiens cette audience. Nous estimons, d’une part, qu’elle permet que des choses se disent entre l’auteur et la victime et d’autre part, que la présence d’un magistrat n’est pas anodine mais constitue une plus-value : il dit la loi, il recadre ».
Et ensuite…
Trois cas sont possibles :
- Si l’accord a été impossible à trouver, la procédure de médiation est interrompue. Le procureur du Roi reprend le dossier et décide de la suite à lui donner, généralement il s’agira d’un procès au tribunal correctionnel.
- Si, après signature des accords de médiation, un auteur ne respecte pas les décisions prises, par exemple s’il ne termine pas une formation exigée ou s’il n’exécute pas les heures de travail, il sera souvent convoqué par le magistrat, averti par l’assistant de justice, pour une deuxième audience, où les engagements pris seront rappelés. S’il ne les respecte toujours pas, le procureur du Roi reprend l’initiative.
- Quand les mesures prévues ont été exécutées, le procureur du Roi « éteint l’action publique » c’est-à-dire tourne définitivement la page, tant pour l’auteur des faits que pour les victimes. Toutefois, la victime dispose toujours de son droit de s’adresser à un tribunal civil si elle estime n’avoir pas été dédommagée d’une partie du dommage subi.
Quelles conséquences ?
Cette procédure est intéressante pour la victime : elle peut s’exprimer, se raconter. Elle a l’occasion de dire ce qu’elle souhaite comme « réparation » de celui qui l’a lésée. Elle peut même suggérer telle formation ou tel traitement qu’elle estimerait utile. Elle est partie prenante de la procédure.
Elle obtient plus rapidement une réparation à la fois matérielle et psychologique.
L’auteur ne pourra plus nier les faits devant un tribunal civil (si, par exemple, la victime n’a pas voulu de la procédure de médiation et s’adresse, ensuite, à un tribunal civil pour demander réparation). Entendu par un assistant de justice, il a également la possibilité de s’exprimer, de donner un avis, d’obtenir des informations concernant les différentes mesures proposées.
Il bénéficiera d’un suivi par l’assistant de justice ou un autre membre de la maison de justice jusqu’à la fin de ses heures de travail, de formation, de traitement.
Il n’aura pas de casier judiciaire puisqu’il n’y a aucune condamnation.
Autre conséquence pour la justice : la médiation pénale désengorge les tribunaux mais déplace le travail vers les maisons de justice.
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