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Séparation et logement familial : la Cour constitutionnelle rétablit l’égalité entre les couples mariés et les cohabitants légaux

Le 30 septembre 2024

Quand un couple marié divorce, chacun doit recevoir sa part. Un lot va se composer de meubles, d’appareils ménagers, de vaisselle, de vêtements, de livres, etc., mais qu’en est-il du logement familial ? La loi permet aux membres d’un couple marié de demander à un juge de le leur attribuer par préférence après leur divorce. Mais prévoit-elle la même chose pour les cohabitants légaux après leur séparation ?

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En Belgique, lorsque deux époux en voie de séparation ne se mettent pas d’accord sur l’attribution à l’un ou à l’autre du logement familial, chacun d’entre eux peut demander au juge que ce logement fasse partie de son lot, c’est-à-dire de ce qui lui revient dans les biens du couple. Et si ce logement vaut plus que ce qui lui revient normalement, celui qui l’obtient doit payer à l’autre une somme d’argent correspondant à la différence.

Pour les mariés, une décision du juge

Si les époux souhaitent tous les deux obtenir le logement familial, c’est donc alors au juge à trancher, après avoir examiné la situation de chacun des partenaires. Il ne doit pas suivre de critère précis. Il existe cependant une situation dans laquelle le juge va obligatoirement décider à qui revient l’habitation : si l’un des époux a été condamné par la justice pour (une tentative de) violence, le juge doit attribuer le logement à l’autre si ce dernier en fait la demande.
Cette manière de décider concerne seulement les époux mariés. Or, en Belgique, deux personnes peuvent aussi vivre en « cohabitation légale », c’est-à-dire qu’elles ont déclaré vivre en couple sans être mariées et qu’elles sont légalement reconnues comme formant un couple ; on les appelle des « cohabitants légaux ». Pourtant, contrairement aux couples mariés, elles ne peuvent pas demander au juge de conserver l’habitation familiale lorsqu’elles décident de se séparer.
Précision importante : le fait d’attribuer le logement à celui qui souhaite le conserver a des conséquences significatives pour l’avenir. Par exemple, cela empêche l’autre époux de vendre ce logement.

Quelle réponse pour des cohabitants légaux ?

Quand deux cohabitants légaux soucieux de se séparer ont demandé que cette attribution préférentielle soit possible, le Tribunal de la famille de Liège s’est questionné : cette différence entre couple marié et couple de cohabitants légaux respectait-elle bien le principe d’égalité et de non-discrimination prévu par les articles 10 et 11 de la Constitution belge ?
Pour obtenir une réponse qui n’existe pas dans le Code civil, le juge liégeois a adressé ce qu’on appelle une « question préjudicielle » à la Cour constitutionnelle. Une question préjudicielle, c’est une question que se pose le juge avant de pouvoir juger : il se demande si la loi respecte bien la Constitution. Seule la Cour constitutionnelle peut donc y répondre.
Pour répondre à la question du tribunal de la famille de Liège, la Cour a précisé qu’une différence de traitement peut exister entre des catégories de personnes vivant des situations comparables, mais à deux conditions :

  • cette différence doit s’expliquer par un critère objectif ;
  • elle doit être raisonnablement justifiée.

Dans ce cas-ci, la différence de traitement se base sur un critère objectif : chaque couple a choisi ou le mariage ou la cohabitation légale.
Mais ensuite : la différence de traitement est-elle raisonnablement justifiée ?
Par son arrêt n° 62/2024 du 20 juin 2024, la Cour a tranché : l’objectif de cette attribution préférentielle à l’un des partenaire est aussi valable pour les couples mariés que pour les couples en cohabitation légale. Donc la différence de traitement n’est pas raisonnablement justifiée.
En conséquence, les cohabitants légaux, comme les couples mariés après leur divorce, pourront dorénavant demander à un juge, après la fin de leur cohabitation légale, que le logement familial soit attribué à l’un d’eux, notamment en cas de violence conjugale.

Rapprocher mariage et cohabitation légale ?

La réponse de la Cour constitutionnelle rapproche la cohabitation légale du mariage. Cela étant, actuellement, les conséquences de la cohabitation légale sont toujours plus limitées que celles du mariage.
Faut-il dès lors réformer la cohabitation légale ? La question est en débat dans notre société.

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