L’actualité commentée

Quand de jeunes musiciens partagent leur talent...

Le 5 mai 2024

Offrir un moment de beauté et d’évasion à un public peu favorisé, amener la musique (classique) là où elle est inconnue et simultanément, permettre à de jeunes musiciens de s’ouvrir à d’autres types de public et de partager leur talent. Voilà le bel et ambitieux objectif des concerts « Community » de la Chapelle musicale Reine Élisabeth, un organisme belge destiné à des musiciens de haut niveau.

Ces derniers, qui y sont en formation, se produisent dans des maisons de retraite, des hôpitaux, des homes pour enfants, des prisons ou encore des centres pour réfugiés et sans-abri ou des centres psychiatriques…
Tous les ans, quarante à cinquante concerts sont organisés dans différents milieux. Complètement gratuits, ils sont financés par la Fondation Futur 21.

Un impact positif

« La musique peut apporter une bulle d’oxygène à différents types de publics et pas seulement à celui des salles de concerts, explique Laurence Godfraind, funding director à la Chapelle musicale Reine Élisabeth.
Tous les jeunes talents présents à la Chapelle ont la possibilité d’avoir un impact positif sur leur environnement, sur le monde. En tant qu’institution, avec le soutien de la Fondation Futur 21, il est de notre devoir de les aider à prendre conscience de cette réalité ».
Eh oui, chacun peut apporter sa petite pierre dans le monde où il vit.

Un public non averti

Le public rencontré n’a généralement pas les codes de la musique classique. En début de rencontre, il est donc important de « casser la glace », raconte Bénédicte Bruynseels, responsable des « concerts Community » à la Chapelle musicale. Elle détaille : « Nous encourageons les artistes à présenter eux-mêmes les œuvres qu’ils vont jouer. Si ce n’est pas le cas, nous le faisons à leur place, d’une manière adaptée au public présent. Ainsi, dans un centre pour réfugiés venus d’Afrique, beaucoup de ceux-ci ne savent pas ce que c’est qu’un violon. Si une sonate est au programme par exemple, j’explique qu’il y aura trois parties et qu’ils peuvent fermer les yeux et cela sera comme un film. Dans une sonate printanière de Schubert, je vais dire : ‘Fermez les yeux et imaginez-vous dans la forêt, les oiseaux chantent, on entend couler l’eau’. Certains ont peur et je leur dis qu’il faut juste se laisser aller ».
Tous les participants assistent volontairement au concert. Ainsi, dans les prisons, les détenus doivent s’inscrire pour pouvoir être présents. « Ils viennent alors souvent par curiosité et sans doute aussi avec l’envie d’échapper une heure à leur quotidien, d’être ailleurs, constatent nos deux interlocutrices, et, la plupart du temps, ils apprécient ». Elles décryptent ce succès auprès des publics rencontrés : « Nous proposons des concerts de haute qualité avec de jeunes musiciens formés à l’excellence. Cette excellence mise au service du public lui transmet des émotions qu’un musicien moins talentueux n’éveillerait pas ».

Des jeunes étonnés

De leur côté, les jeunes musiciens ne sont pas tous d’emblée prêts à rencontrer ces publics, très inhabituels pour eux. Mais, comme ils sont obligés de donner minimum six concerts par an, ils optent parfois pour ces concerts Community organisés à des dates qui leur conviennent. Ils reçoivent alors un écolage pour apprendre à réagir, à rencontrer tel ou tel public. Ainsi, s’ils vont se rendre en prison – choisie par certains parce qu’elle les intrigue –, ils savent devoir s’attendre à une sensation d’enfermement, d’isolement, mais aussi qu’ils y seront en sécurité. « Ils tombent dedans plus ou moins par hasard, constate Laurence Godfraind, et certains accrochent, en redemandent ». Ces jeunes artistes sont étonnés et touchés par les réactions de ces publics différents, souvent marqués par ces concerts : « Ils ont un retour direct du public, très émotionnel, et, pour eux, explique Bénédicte Bruynseels, plus nourrissant, plus enrichissant que, par exemple, une salle de sponsors bancaires qui applaudissent par politesse. Des enfants vont danser sur la musique, avoir envie de toucher un instrument pour sentir d’où viennent le son, les vibrations. Ce sont généralement des expériences très fortes pour les uns et les autres ».
À ces jeunes qui ont la chance d’avoir un tel talent, estime Laurence Godfraind, c’est aussi notre devoir de dire : « Partagez votre talent, pas seulement avec les gens qui vous écoutent en achetant un billet de concert, mais aussi avec ceux qui en sont éloignés. Cela fait partie des missions de la Chapelle ».
Laissons une conclusion à Julia, une soprano : dans ces concerts, « en tant que musicienne, j’essaie de permettre à chacun d’oublier ses problèmes quotidiens et de briser les différences de statuts. Réaliser que nous sommes tous humains connectés par la musique est déjà un pas. Je l’ai ressenti profondément pendant ce concert. C’est avec joie que je participerai à d’autres initiatives de ce genre ».

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